Je viens vous parler d'amour ! Enfin, pas moi mais plutôt de NUtopiens qui ont produit chacun un texte pour ce concours.
La consigne était donc d'écrire un texte autour de ce sentiment qu'est l'amour. C'était pas une mince affaire mais ils ont relevé courageusement le défi ! Félciitations à eux !
Quel texte est votre préféré ? Pourquoi ? Quels conseils avez-vous pour les écrivains ? Dites-nous tout ! :)
Et bonne lecture surtout !
Les votes sont ouverts pendant dix jours
TEXTE 1
TEXTE 2
La consigne était donc d'écrire un texte autour de ce sentiment qu'est l'amour. C'était pas une mince affaire mais ils ont relevé courageusement le défi ! Félciitations à eux !
Quel texte est votre préféré ? Pourquoi ? Quels conseils avez-vous pour les écrivains ? Dites-nous tout ! :)
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TEXTE 1
- Spoiler:
- C’était un jour ordinaire. Le temps était encore frais mais la douceur revenait. Le printemps ne devrait plus tarder. Les gens commençaient à sortir après la longue hibernation que nous avais apportée cet hiver glacial. Prenant les demandes des clients, sourire agréable sur le visage, je faisais mon travail sans broncher. Les gens allaient et venaient au rythme de la journée. Certains ouvraient leur ordinateur et se plongeaient dedans avec une concentration certaine. D’autres discutaient tranquillement autour d’une tasse de café.
Et puis, tout bascula.
J’étais en train de nettoyer une table quand le carillon de la porte d’entrée résonna.
- Excusez moi, cette table est libre ? demanda une voix grave et rassurante.
Relevant la tête, une mèche rebelle de mon visage venant frôler ma joue, je préparais mon habituel sourire. Mais celui-ci ne vint pas. A la place, mes lèvres balbutièrent des mots inaudibles et je fixais ce nouveau client comme si la foudre m’était tombée sur la tête.
Un regard curieux qui me dévisageait de ses yeux couleur noisette, quelques taches de rousseur et les cheveux blonds comme les blés. Son visage faisait jeune, dans la vingtaine, un peu plus vieux je dirais. Et son sourire… son sourire m’avait fait perdre tous mes moyens en même pas une fraction de seconde. Il semblait être le genre d’homme enjoué, celui qui attire les regards et l’attention. Du moins, la mienne il l’avait toute entière. Je ne saurais expliquer pourquoi mais il avait ce petit quelque chose qui me faisait fondre et le rendait bien différent de tous les clients que j’avais vu passé ici.
Restant bêtement figée telle une statue, les lèvres tremblantes, cherchant mes mots, je n’avais pas remarqué qu’il avait avancé sa tête, un brin inquiet.
- Mademoiselle, tout va bien ?
Je sursautai, lâchant mon torchon que j’avais serré si fort sans m’en rendre compte. Il s’était penché en avant pour le ramasser. Je l’examinai. Une tenue décontractée, chemise bleue lâche avec une petite veste grise ouverte, un jean simple. Sa carrure me laissait supposer qu’il pratiquait un sport régulièrement. Par contre aucune idée du sport en question. Sûrement un beau surfeur comme on peut en voir ici, dans cette petite ville proche de la mer. Ou il pratiquait un sport de combat. Mais qu’est ce que je racontais ? Réveilles-toi Marie !
Il s’était redressé et me tendit le chiffon usé par le temps en souriant. J’avais secoué la tête comme si je cherchais à dégager mes mèches blondes rebelles qui venaient se frotter dans mon cou. Souriant timidement, évitant légèrement son regard, j’avais récupéré rapidement le morceau de tissu. Un merci presque dit dans un murmure sortit de ma bouche. Je me raclais la gorge. Oh ça suffit maintenant Marie, tu te donnes en spectacle devant tout le monde ! Alors reprends tes esprits et fais ton taf !
Sourire sur le visage, je reculais la chaise en lui présentant.
- Bien sûr la table est libre, installez vous, j’apporte le menu.
Puis rapidement je m’étais écartée. Il avait un parfum frais, qui me rappelait la forêt dans laquelle je me promenais les week end pour m’évader. Pas désagréable. Heureusement avoir pris de la distance m’avait remis les idées en place. Eve qui était derrière le comptoir, avait vu toute la scène. Elle me regardait d’un air taquin. La rousse aux boucles tombantes avait vu toute la scène bien sûr ! Espiègle, elle s’approcha de moi en me donnant un coup de coude dans le creux de ma hanche.
- Ouuuuh plutôt mignon ce gars blond, tu ne trouves pas ? avait-elle dit avec une pointe d’amusement dans la voix.
Je grommelai et ne lui répondit pas en allant chercher la carte avant de retourner d’un pas décidé vers ce mystérieux inconnu avant de lui tendre. Il me remercia et je reparti aussi vite que j’étais venue, ma démarche étant légèrement saccadée. J’avais les jambes tendues. Que m’arrivait-il ? Il me perturbait, ce n’était pas possible. Refusant de retourner au comptoir près d’Eve, je m’intéressai à un petit couple. Leurs tasses de café semblaient vides. Je m’approchai d’eux, sourire pendu aux lèvres.
- Vous avez terminé ?
Ils affirmèrent et j’encaissais alors l’addition. La dame m’avait donné un petit pourboire, mon sourire s’illumina et je la remerciai très chaleureusement. Je me retournai pour chercher un autre client. Hors de question de passer voir le beau blond ! Sauf qu’Eve me regardait avec un air de défi. Oh je la connaissais bien ! Avec sa langue pendue, elle était capable du pire. Je fronçais les sourcils et retourna vers l’inconnu de mes pensées.
- Vous avez choisi ? avais-je demandé poliment en contrôlant le son de ma voix.
Il me fit un sourire en me rendant le menu. Qu’il arrête de me sourire de cette manière où je vais… merde alors ! Je commence à rougir. Super ! Bravo Marie ! D’un geste nerveux je répondis à son sourire puis attrapa mon calepin rapidement avant de sortir mon stylo pour prendre sa commande. Retournant rapidement au comptoir, Eve ne me lâchait pas. Je l’ignorai.
- Oh allez Marie fais pas cette tête ! Ca crève les yeux ! Il te plaît bien le mystérieux blond non ?
Je me mis à rougir tout en me lavant les mains consciencieusement dans le lavabo. Non le coup de foudre ça n’existe pas ! Il est beau certes mais je ne le connais pas… Je me tournais alors pour sortir une petite assiette et y mettre une part de gâteau au citron en ignorant Eve qui parlait d’un air conspirateur.
- …laisser ton numéro sur l’addition ? cliché mais tellement efficace.
- Non désolé Eve, je ne le connais même pas, il est mignon oui mais je… je…
J’étais en train de préparer le café en changeant le filtre de la machine mais Eve m’attrapa par l’épaule, chuchotant à mon oreille quelques mots.
- Dans la vie il faut prendre des risques ma chérie.
Je n’avais rien dit mais mes yeux se fermèrent un court instant. Ce gars avait l’air plutôt gentil. Avait l’air oui ! Mais j’étais hésitante. Ma camarade le remarqua.
- Si tu veux je lui demande.
- Heu non surtout pas !
Elle allait continuer à m’embêter avec ça toute la journée si je ne faisais rien. Le café était terminé, je pris mon plateau et amena le tout vers le client, mes jambes devenaient du coton à chaque fois que j’approchais de lui. Il était mignon quand même. Je remarquai le livre qu’il avait sorti de son sac. Ses yeux parcouraient les pages couvertes d’encre. Au moins il ne me dévisagera pas, c’est déjà bien.
Je posais avec un peu plus d’entrain sa commande, me sentant protégée par le livre qui nous séparait.
- Et voilà ! Tarte au citron maison et cappucinno ! Bonne dégustation !
Je n’attendis pas son merci et tourna les talons, mon plateau contre moi. Mais qu’est ce qui m’avait pris d’en faire autant ? D’habitude, je posais simplement les tasses discrètement sans faire autant de manières. Je me désintéressai ensuite de lui, vacant à mes occupations. Trop timide, je n’allais certainement pas l’aborder malgré les encouragements d’Eve. Le temps passa. Et puis finalement, un mouvement attira mon attention. Parce que bon oui, j’étais un peu curieuse quand même. Il avait rangé son livre et leva la main pour m’appeler. L’addition sans doute.
Je m’approchai et écrivit frénétiquement le détail de sa commande. Je repensai aux paroles d’Eve et marqua une courte hésitation. Finalement j’arracha le bout de papier et le posa sur sa table. Non je n’avais pas laissé mon numéro. Je n’osais pas, tout simplement. C’était dommage mais je n’y arrivais pas. Eve me faisait de grands gestes de la main. Je n’osais pas lui répondre, elle risquait d’aller lui parler. Sans me retourner, je m’étais intéressée à une autre table vide et la nettoyait frénétiquement pour me dérober au regard du bel inconnu. Le carillon tinta et la porte se referma. Il était sorti. Un pincement au cœur dans ma poitrine. J’avais peur d’avoir pris la mauvaise décision mais il était trop tard maintenant.
M’avançant vers la table pour récupérer le pourboire, je vis l’addition bien en valeur à côté des pièces. Fronçant les sourcils, j’avais aperçu une petite flèche écrite à côté du montant, comme un signe. Je pris le bout de papier et le retourna dans mes mains. Un message très court « A l’attention de la brunette timide :) » suivi d’un numéro de téléphone. La brunette c’est moi. Un sourire éclaira mon visage. Serrant le papier dans mes doigts, je regardais par la vitrine d’un air rêveur.
C’était une magnifique journée.
TEXTE 2
- Spoiler:
- Je ne pourrai vous décrire son combat. Ils étaient là, à quelques mètres devant moi, mais la violence de la scène me fit détourner le regard aussitôt. Aussi bref fut-il, le premier coup que le démon porta resta encré au fond de ma rétine et j’ai peur de ne pouvoir jamais l’oublier. D’un geste ample et nonchalant, il avait levé son glaive, pourtant pas si grand que ça, et avait tranché son première adversaire de haut en bas le découpant en deux. Malgré son bouclier prêt à encaisser le choc, malgré l’épaisseur de son armure de plaques, malgré la musculature et l'entraînement que l’on devinait chez ce large guerrier, il fut taillé comme une simple feuille de papier, de l’épaule gauche jusqu’au flanc droit. Plus déchiré que véritablement tranché d’ailleurs. Par tous les dieux, depuis combien de temps cette lame noire et démoniaque n’avait-elle pas été affûtée ? Quelle force pouvait bien cacher cet être noir qui venait pourtant à peine de se réveiller ? D’un simple geste, ne semblant pas forcer le moins du monde, il avait éparpillé avec tant d’aisance l’acier, la chair et les os de sa pauvre victime. Je fondais en larmes comme une petite sotte, manquant de rendre mon repas de la veille. Je me retournais pour me cacher dans cette grande salle à peine éclairée malgré le jour qui venait de se lever. La peur et le désespoir m’avait amenée à commettre l'irréparable. C'était la seule solution à mon problème, il est vrai, mais elle m’engageait sur un chemin bien plus horrible.
Les fantômes de ces sorcières m’avaient pourtant prévenue quand je suis rentrée dans ce château. Tour à tour, trois femmes m’étaient apparues.
La première derrière la porte du rempart. Vêtue d’un long drap noir qui se répandait comme un flaque d’ombre à ses pieds. Son regard océan et son teint pâle contrastait avec sa chevelure raide et noire de jais. Elle était soudainement surgie devant moi, m’intimant de faire demi-tour si je ne voulais pas réveiller la bête qui avait fait de ces landes, jadis fertile, un marécage nauséabond. Mais je ne l’écoutais pas, rebrousser chemin maintenant, c’était me jeter dans les bras de mes poursuivants et je savais que trop bien le sort que eux me réservait. Ce château était mon seul refuge à des lieux à la ronde. Faisant confiance à ma connaissance du monde éthéré, je baissais la tête, sans freiner ma course et traversais l'ectoplasme immatériel. Je ne pris pas gare à ses implorations désolées et me jetai sur l’un des gigantesque battants d’acier qui formaient la porte d’entrée.
Poussant de toutes mes forces et de tout mon poids, l’écho d’ordres et d’aboiement dans le lointain raviva mes forces désespérées et je parvins à entrouvrir l’obstacle. Un vent s’engouffra dans la pièce alors qu’une odeur répugnante de renfermée et de mort me firent instinctivement reculer d’un pas. Une brume épaisse s’échappait alors que j’hésitais à entrer. Je n’avais pas le choix de toute façon. Une fin assurée ou un avenir inconnu, mes options étaient bien minces. Mes yeux elfiques s’habituèrent rapidement à la noirceur des lieux. C’était un immense hall d’entrée si grand et si sombre que moi-même je distinguais avec peine jusqu’où les murs s'étendaient. Émergent du tapis vaporeux, la deuxième gardienne m’attendait. Elle s’était judicieusement placée dans le rayon de lumière que j’avais créé et au pied de larges marches qui menaient à l’autre bout de la pièce. Elle rayonnait sous une longue chevelure blanche et légère qui voletait dans le courant d’air. Son regard était aussi bleu que celui de sa prédécesseure, son teint aussi pâle, mais son visage plus doux et triste. Elle m’expliqua de manière timide et tremblante que je ne devais pas aller plus loin. Voyant que je ne l’écoutais pas, elle reconnut ma peur et compris ma fuite, pourtant elle n’en démordait pas. Tentant d’ignorer sa timidité, elle ferma les poings et rassembla son courage pour se faire plus autoritaire. Elle m’ordonna de m’abandonner à mon sort en dehors de ces murs, car celui qui m’attendait en haut de ces marches était bien pire et entraînerait toute la région de ma malédiction. Je ne la cru pas, aussi honnête fut-elle, je la contournais pour me jeter la haut, là où elle m’interdisait d’aller. J’aurais pu chercher une autre issue, mais déjà, un sentiment étrange me poussait à aller là où ces fantômes m’en défendaient.
Je trébuchais sur les premiers degrés de l’escalier en entendant que mes prédateurs se rapprochaient dangereusement, sachant parfaitement où leur proie trouvait refuge. En me retournant, je vis le visage larmoyant de la sorcière blanche mais je ne sut m’attarder ou réfléchir à mes actes.
Je fis mon ascension aussi rapidement que je pu jusqu’à l’étage où un dernier obstacle m’attendait. Une grande porte de bois d’ébènes aux finissions d’or jaune et couverte d’inscriptions incrustées à l’or blanc. C’était indéchiffrable, un alphabet que je savais très ancien mais qu’aucun de mes contemporains n’auraient su lire. Je ne compris que trop tard que ces sceaux avaient été posés par les sorcières et que déjà, ouvrir ces deux battants briserait le charme, scellerais ironiquement mon destin. L’obscurité dans cette nouvelle salle était moins présente mais plus oppressante. Aucune ouverture n’aidait à dissiper les ombres. Je posai un pied sur un tapis épais qui menait tout droit sur un cocon de taille humaine. De nombreuses toiles arachnéennes étaient tissées de toute part, parfois toute petite parfois de taille cyclopéenne. Aucun insecte n’était pourtant présent de cette salle. Après quelques pas, la dernière sorcière s’interposa, flanquer de ses camarades. Elle était plus grande et son charisme les éclipsait. Sa peau et ses yeux étaient comme ceux des deux autres, opale et saphir. Elle avait une large crinière rousse et bouclée et ses lèvres, rouges comme le sang, auraient presque eu à elles seules le pouvoir d’hypnotiser n’importe qui. Elle portait pour unique vêtement un voile orangé translucide qui laissait deviner en ombre chinoise sa douce silhouette menue et gracile. Sans un mot, son visage se tordit en colère et, tendant les mains devant elle, un vent s’élevant de nulle part commença à gronder. Ses paumes se mirent à briller et dès lors je ne pus plus avancer contre les bourrasques. Un rictus d’espoir se dessina sur le visage des trois sorcières alors que je me retrouvai forcée de marcher à reculons.
Mon courage, mon désespoir, ma fin arrivée dans mon dos. J’entendais les battants de la porte d’entrée grincer en s’écartant un peu plus pour laisser entrer les larges épaules en armure des chevaliers qui me traquaient. Il leurs faudrait un certain temps, à eux, pour deviner l’escalier et le gravir. Un temps que je pouvais encore utiliser pour trouver une issue de l’autre côté de cette longue salle. Peut-être pour trouver un abri dans toutes ces toiles. Mais ces sorcières m’en empêchaient de toutes leurs forces. Ces fantômes voulaient ma mort en s’imaginant pire s’ils échouaient. J’entendis les chiens aboyer sur les dernières marches, indiquant le chemin à prendre à leurs maîtres. J’entendais les lourde bottes de fer tinter sur les degrés de pierres et résonner sous la hauteur du plafond. Je sentais ma mort, ma vie de prisonnière torturée qui m’appelaient.
Mais un souffle roque venue d’un autre monde tonna soudain. Il y eut une seconde de silence où le temps sembla s’arrêter, où la magie des sorcières se dissipa. Puis une onde de choc provenant du fond de la salle balaya un grand nombre de toile d'araignées, mis à genoux mes opposantes me fit tomber moi-même sur le postérieur et finit par claquer fermement la porte dans mon dos.
“Il suffit ! Gronda la voix d’un roi. Je saurais te défendre. Continua-t-elle en s’adressant directement à moi. Si toutefois tu parvenais à me faire revenir dans ton monde.”
J’eu un doute alors. Les sorcières, d’abords choquées, reprirent leurs esprits et s'époumonèrent à me dissuader de faire le mauvais choix. Certes cette voix était puissante, grondant, autoritaire et quelques peu malsaine. Elle faisait peur et imposait la terreur. On ne pouvait que se soumettre à elle. Cela ne ressemblait pas à une bonne idée que de lui faire confiance. Mais une certaine fréquence dans ces sons me firent vibrer le cœur d’une étrange façon. Ce n’était qu’un détail, sûrement un envoûtement pour me tromper, mais aucune autre solution, à cet instant, ne me fit miroiter un meilleurs espoir.
La porte derrière moi se mit à résonner tandis que les traqueurs se décidèrent à l’enfoncer. Les sorcières se mirent à incanter des chants morbides qui n’auguraient rien de bon pour ma pauvre petite personne. Cependant, un nouvel élan me donna du baume au cœur. C’est presque avec un sourire fou que je m’élançai droit devant moi. La voix n’avait donné aucun ordre, mais je savais ce qu’il fallait faire. Du haut du plafond se mirent à gronder des légions noires qui dévalèrent les murs et les piliers et les toiles de leurs pattes effilées. Le corps luisant d’une infinité d’araignées se jetait sur moi ou courait pour me barrer le passage. La porte commençait à céder et des fentes s’ouvraient laissant apparaitre le visage des chasseurs. Concentrant les dernières forces magiques que je cachais, mes enjambés s’allongèrent et en deux long bonds flottants je parvins au cocon qui enfermait mon sauveur.
Je me pressais d’écarter quelques toiles pour découvrir son visage squelettique et son teint lugubre. Seul un faible rayon de vie parcourait son regard d’ambre et parvenait à me charmer. Aucun indice ne me laissait voir ce qu’il pensait, mais il tendit les lèvres. Je me vis telle la princesse qui délivre son prince de milles ans d’exile par un tendre baisé amoureux. Mon cœur se mit à battre et mon souffle devint chaud tendit que je m’apprêtais à lui offrir ma bouche encore vierge.
Mon illusion se dissipa aussitôt que nos lèvres se joignirent. Ce fut alors le pire premier baisé que j’aurais pu imaginer. Sa bouche était glaciale, sa chaire gercée et tranchante comme de la pierre. Il avait une haleine d’outre-tombe et je me sentais étreinte par mille bras macabres. Je voulus m’y soustraire, me raviser pour prendre un temps de réflexion que j’aurais dû avoir depuis longtemps, mais un sort malsain collait ma bouche à la sienne. Les insectes avaient fini par nous rejoindre. Je les sentais grimper le long de mes bottes, parvenir à me piquer et m’injecter leurs poisons à travers mon collant puis se glissait sous ma tunique et agresser chaque parcelle de ma chair qu’ils avaient conquise. Je sursautais lorsque je sentis les dents de mon faux amant se planter dans ma lèvre jusqu’au sang. Je parvins enfin à l’abandonner et je tombais lourdement en arrière, horrifiée par cette scène cauchemardesque. Mon corps tout entier brûlait sous le feu des venins arachnéens. Je ne sentais plus mes jambes et mon cœur brisé lâchait soudainement. Je pleurais comme si je laissais s’échapper mon âme et mon esprit par mes yeux. Je gardais un regard vide braqué sur la tête de cet homme. Son faciès n’était plus celui du mort qui avait volé ma pureté mais il avait repris toute la vigueur d’un jeune et puissant roi. Son cocon fondit doucement dans une étrange mélasse qui, emportant les insectes, découvrit son corps nue couvert d’une musculature finement ciselée. Son visage semblait à la fois serein et puissant. Ses yeux rayonnaient d’une supériorité douce qui imposait étrangement la crainte. Mais par-dessus tout, deux cornes noires, semblable à celle des boucs, lui sortaient du front et ondulaient dans ses cheveux courts et sombre pour finir par pointer vers le ciel derrière son crâne. La preuve du plaisir qu’il avait eu à m’embrasser me fit reprendre mes esprits, je rougissais en détournant le regard comme la gamine que j’étais. J’en oubliais mes douleurs et mes peines sans explication et le ridicule de cette sensation en pareille situation me firent d’autant plus honte que j’eu envie de me liquéfier à mon tour. Le tableau du beau roi qui couve d’un regard tendre sa belle me revint à l’esprit. Le temps d’une seconde qu’il lui fallut pour venir déposer une bise sur mon front, je remarquais alors que le décors avait changé du tout au tout.
Il n’y avait plus de trace des araignées que ce soit leurs corps, leurs toiles ou leurs poisons dans mes veines. Si la pénombre était toujours présente, elle n’était plus oppressante ni sordide. Il me releva courtoisement, et me dépassa d’un pas lent. Le temps que je me retourne, il avait enfilait par magie une paire de botte fine et élégante sous un pantalon serré de lin noire. Recouvrant son dos apparaissait un tatouage noire représentant un sorte de frêne séculaire au large tronc. De la main droite, il s’était armé d’un glaive de pas plus de dix-huit pouces de long. Il était forgé dans un alliage sombre unique à ma connaissance. Devant lui, les sorcières avaient disparu et le cortège de chasse venait de faire irruption dans la salle. Je ne sais combien ils avaient été témoin de la scène précédente, mais ils ne semblaient douter de rien. Ils me voulaient mort ou vivent quoiqu’il arrive et leur nombre leur donnait raison.
Le fantôme de la rousse apparut derrière moi, me surprenant mais avec une douceur et une bienveillance qui me calma aussitôt.
“Soit témoin de ton geste, jeune sotte, m’expliqua-t-elle non sans un sentiment de mépris dans la voix. Je te présente Toth, un puissant démon de l’époque où l’enfer régnait sur notre monde. L’un des plus puissant et des plus imprévisible des siens. Il tuait tellement d’innocent qu’il a pris le titre de grand roi des démons sans le demander à personne. Mes sœurs et moi avons mener la campagne contre lui à l’aube de l’âge d’or des humains et nous ne pûmes que sceller son corps et exiler son esprit. Maintenant revenu parmi nous, et sans autre force pour s’opposer à lui, il prendra possession du monde et nous replongera dans une ère infernale. Es-tu fière ?”
Elle ne me laissa pas le temps de répondre et s’évapora aussitôt.
L’enfer, les démons, Toth … Les Grande Guerres des démons étaient des légendes que l’on se transmettait à l’oral depuis l’aube de l’humanité. Une époque si lointaine que l’on avait oublié son existence. Je me souvenais avoir entendu le nom de Toth comme l’un des derniers rois qui survécut aux croisades humaines contre eux, mais je ne l’eut jamais imaginé aussi puissant que cela.
Il lui fallut une demi-seconde pour terrasser son premier adversaire. Autant de temps qu’il me fallut par la suite pour me cacher derrière le trône sur lequel il avait siégé dans son cocon-sceau. Un fauteuil taillait d’un seul bloc de granit sombre. Je tremblais comme une feuille en entendant successivement la charge, la rage puis la terreur des soldats qu’il affrontait. J’entendis le bruit de l’acier se fendre, du sang gicler, de la mort les emporter. Il lui fallut si peu de temps pour tous les vaincre que je n’entendis aucun d’eux avoir le temps de prendre la fuite. Ils étaient pourtant une bonne dizaine et lui était seul. Mon esprit se vida soudainement lorsqu’un silence glauque tomba après la bataille. Pas un gémissement, pas un bruit de pas, pas une seule parole du vainqueur. Il était bien trop tard pour réagir, mais dans un élan qui m’arrachait de ma torpeur, je m’élançai vers un trou aperçu dans le mur du fond. Une petite sortie qui ne pouvait laisser passer qu’un seul homme à la fois. Deux l’autre côté, un escalier en colimaçon, un côté retombait vers le rez-de-chaussée, l’autre montait, surement dans la tour central du bâtiment. Là-haut, ce serait un cul de sac, sans nul doute, alors je dévalais les marches vers le bas. Après deux tours et demi autour du pilier central, je sorti de l’endroit exigüe pour entrer dans un couloir à peine plus large. Des trois portes que je vis, j’entrais dans celle au fond, celle qui me faisait face. Je venais d’arriver dans une pièce confortable aux dimensions moyennes, mais aucune issue. La pièce était ici bien éclairée par le pan de mur qui me faisait face. De nombreux vitraux baignaient d’une atmosphère douce la pièce avec des couleurs froides. Du bleu, du vert, du violet. L’ensemble représentait un près paisible dans une nuit sans lune et sans étoile. Au milieu du paysage, le même arbre que le démon avait gravé dans son dos. Son feuillage était d’une améthyste funèbre, son tronc était presque noir et il prenait racine derrière l’un des rares meubles de la salle. Il y avait en effet, adossé contre ce mur vitré, un grand lit formé dans un demi-ovale qui aurait pu accueillir cinq ou si personne sans qu’elles ne se gênent. Le bois qui faisait la couche disparaissait en fait sous l’épais matelas et les nombreux draps de soie noire qui le recouvrait. On n’aurait pas réussi à trouver un lit plus confortable. Enfin, sous mes pieds s’étalait des motifs de courbes qui s’emmêlait dans un chaos étrange mais semblait tout de même fuir de sous le lit. Je devinais que ce motif représentait les racines de l’arbre. Cette ambiance me donnait un étrange nouveau souffle apaisant. Je perdis quelques secondes à la contempler alors que sur mes traces, un nouveau danger ne tarderait pas à se mettre à ma poursuite. Cette idée ressurgie immédiatement, dissipa l’envoutement de l’endroit et toute l’horreur de la scène précédente explosa de nouveau à mes yeux, figeant un instant les battements de mon cœur. Mes émotions, dans ce château, bondissait d’un sentiment à l’autre de manière décousue et aléatoire. Il me fallait quitter les lieux au plus vite.
En me retournant, Toth était déjà là. Je rebondis sur son torse dur et froid et retomber une fois de plus sur mon séant. Il s’était faufiler dans mon dos, sans que je m’en aperçois, et humer l’air de ce qui devait être sa chambre. Il aurait dut me paraitre réconfortant et serein avec cette expression apaisé, ses traits fins et avenants et avec son sourire doux d’une fatigue qui tombe après un acte physique intense mais agréable. Pourtant ses lèvres étaient rouges de sang. Une hémoglobine qui ne lui appartenait vraisemblablement pas et qui goutait sur son menton, recouvrait en partie son torse et dégoulinait de ses avant-bras. Mon imagination fut plus rapide que tout dans ma tête, me faisant prendre conscience de la barbarie à laquelle il avait pu se livrer auprès de ses victimes. J’étais tétanisée, c’était mon tour à présent de connaitre l’atrocité dont il était capable. Sa façon de prendre son temps me fit trembler et sangloter comme jamais. Mon esprit ne fut jamais parmi les plus fort, mais ce jour-là, il partit en poussière. La gentille petite elfe qu’on avait surnommer, sans son approbation, “Délicate fleur de lune”, pouvant faire craquer n’importe quel rustre de son sourire innocent, je devais faire peine à voir, peut-être même faire peur à cette instant. Le visage convulsant à chaque fois que j’essayais de reprendre un peu d’air. Gémissant par saccade avec une voix enrayé entre deux reniflements gras. Le regard rougi par des torrents de larmes marquant mes joues, ma bouche déformée dans une crispation d’horreur. Incapable de bouger ou de penser. Mon corps, comme mon esprit tremblait à en desceller toute les briques de ce château.
Et lui, me dominant de toute sa hauteur, ouvra ses paupières dans un regard attendri et me fixa un temps qui me sembla durer une éternité. Combien j’aurais voulu perdre connaissance ou mourir à cet instant. Il sut ponctuer la situation par une parole qui me figea comme une statue :
“Allons, ma tendre amie. Je m’en veux tellement de vous mettre dans un pareil état. Gardez bien en tête que désormais … Je suis votre !”
Je ne compris pas tout de suite la signification de cette affirmation sortie de nulle part. Je n’étais de toute manière pas en état de comprendre quoique ce soit, et je m’étonne encore d’avoir eu l’esprit d’enregistrer ces mots dans ma mémoire.
Me laissant faire comme la poupée de pierre que j’étais devenu, il me prit tendrement dans ses bras. Passant un membre sous mes genoux et l’autre derrière mes épaules, il me serra contre son torse que je le découvris plus chaleureux que ce que j’avais pu constater jusqu’à présent. Un sentiment encore nouveau tenta de percer mon cœur. Cependant, la sensation visqueuse du sang qui commençait à coaguler, l’odeur de chair vive et de mort me prenant aux nez, ce dégoût me gardait encore d’émotion contradictoire.
Il ressortie et passa dans la salle qui se trouvait alors à notre droite.
De la pierre blanche éblouissante sur tous les murs. Une large verrière sans couleur au plafond faisait passer toute la lumière du jour qui pouvait ainsi plonger dans un bassin d’eau claire et brumeuse. Il s’agenouilla au bord pour me laisser glisser dans le bain. Le liquide était tiède, probablement chauffé par les rayons qui traversaient les baies au-dessus de ma tête. Il se déshabilla ensuite dans mon dos avant de faire le tour du bassin et d’entrer dans l’eau par le bord qui me faisait face. Son corps avait beau être sans imperfection, son apparence sanglante me dégoûtait toujours. J’avais l’impression de voir autour de lui une aura dans les tons écarlate et pourpre, je pouvais presque distinguer, à l’œil nu, l’odeur de mort qui l’englobait. Une fois immergé, il rinça tout le sang avec une facilité étonnante et son halo se dissipa dans la brume comme le liquide écarlate dans l’eau.
Un nouvel apaisement revint m’envahir. Mon esprit s’était remis trop vite de ses émotions et m’en rendre compte me rendait malade. C’était comme si ma raison et mes sentiments se livraient bataille. Mon cerveau cogitait à une vitesse folle, me renvoyant les horribles évidences au visage avec froideur : le sang qui l’avait recouvert, la mort qu’il lui plaisait de donner, les conseils avisées des sorcières et la légitimité qu’elles avaient eu à me repousser. Mon cœur, lui, commençait à s’affirmer à haute voix, me récitant en poésie la beauté de cet homme, la tendresse de ses gestes envers moi, la sérénité dans sa voix et la manière dont il m’avait protégée. Mon palpitant me répétait que ce prince m’appartenait. Il aurait été pourtant simple de lui demander. M’aurait-il laissé partir si je l’eus voulu ? Sûrement. Alors pourquoi je n’arrivais pas à prendre une décision ? Le temps passa encore une fois comme le vol d’un ange. Dans un silence agréable alors que l’on se prélassait tous deux dans la pureté de cette salle. Lui n’avait pas à choisir, il avait eu ce qu’il voulait : la liberté. Je considérais qu’il se fichait bien de mon sort malgré ses belles paroles. Ou savait-il le secret que je renfermais ? Trop de pensées furetaient dans ma tête.
Mince alors, je redevenais la gamine naïve et confuse qui se pose trop de questions sans jamais arriver à s’affirmer. Cela aurait dû être un bon signe de retrouver mon tempérament habituel. Mon esprit redevenait celui qu’il était avant que l’on ne me prenne pour un gibier. Cela me soulageait … et me faisait poser d’autant plus de question. A commencer par savoir s’il était bon d’être soulagé en pareille situation ? Je dus faire une moue plus tranquille car mon vis-à-vis tiqua. Il posa un regard perçant sur moi et sembla hésiter à me rejoindre. L’heure sans doute pour lui d’affirmer une fois de plus son nom de Démon ? Je ne parvins pas à paniquer. Il n’y avait aucune raison à cela en fait. Sans aucune gêne, il émergea son corps nu et entreprit de quitter la salle. Toth s’arrêta une seconde sur le pas de la porte avant de me donner quelques conseils d’une voix douce et désintéressée. Il me demanda de quitter mes vêtements poisseux, et de me laver correctement. Il dit, avec une note d’humour, qu’il avait hâte de découvrir la princesse qui se cachait derrière ce costume de boue. Puis il me demanda si je préférais dormir ou manger après cette nuit de cavale. Je ne sus lui répondre tout de suite, puis il disparut en disant que lui avait faim. Son absence m’enleva un poids des épaules. Je ne soupçonnais pas un tel soulagement à le voir partir et, libérée, je me mis à trembler comme une feuille. M’accordait-il le titre de princesse parce qu’il me considérait comme sienne ? Ou parce qu’il savait qui j’étais ? Peu importe, là n’était pas mon secret. Et sans sa présence, j’étais plus à l’aise pour me laver. Ce que je fis après avoir étalé mes habits trempés derrière moi, sur la pierre chauffée. Je me rinçai alors rapidement découvrant une nouvelle fois l’efficacité étonnante de ce bain dont j’aurais aimé pouvoir deviner les sels qui le composaient. Le liquide était si clair et fluide qu’on aurait pu croire aux eaux de pluies des plus hautes et des plus belles montagnes du sud, mais elles étaient trop loin d’ici et on était aux milieux d’un marais puants.
Sortie de mes rêveries par le retour du démon, je frissonnai à l’idée qu’il puisse deviner ma silhouette nue dans le bain, et je m’enfonçai dedans jusqu’au nez pour me cacher. Heureusement, les vapeurs étaient assez épaisses pour me cacher. Flanquer d’un petit être au contour inhumain et pourtant bien humanoïde, il se rapprocha dangereusement de moi les bras chargés de linge. Je le perdis de vue lorsqu’il passa dans mon dos alors que je n’osais plus bouger. Heureusement il ne s'attarda pas, déposa ce qu’il était venu m’apporter alors que son minions récupérer mes affaires sales. Ils disparurent sans un mot, ni un bruit. Il m’avait laissée une serviette pour que je puisse me sécher ainsi qu’une courte robe noire. En m’essuyant, je lorgnais avec inquiétude le vêtement. Il me semblait très léger et très luxueux mais surtout très court. Je n’avais finalement pas le choix, si je n’enfilais pas ça, je me retrouverais nue dans les couloirs de ce château. Une fois sur les épaules, je constatais avoir eu raison, le tissu était bel et bien trop peu couvrant. Les fines bretelles, un peu longues, faisait tomber le tissu un peu bas à mon goût mais il n’y avait heureusement pas de décolleté trop provocateur. L’étoffe me serrait trop et ne cachait rien de ma silhouette. Le tout allait à peine jusqu’à mi-cuisse. Quelques liserée de couleurs bronze dessinaient d’élégant motif de dentelle ici et là. Je me sentis alors, certes peu vêtu, mais très distinguée et je me mettais à imaginer les goûts nobles de mon hôte. Des goûts qui ne me convenaient guerre compte tenu de ces tendances à exposer mon corps.
En sortant finalement de la salle de bain, je découvris le petit être qui m’attendait. A peine plus haut qu’un mètre, il me choqua par son apparence hideuse. Il avait la peau aussi noire que le charbon. Sa tête, boursouflée et disproportionnée, valait pour le tiers de sa taille totale. Son corps était trop maigre pour que l’on puisse imaginer des organes à l’intérieur et ses membres étaient grossièrement long et tout aussi fins. Ses yeux rouges sang et sans pupille semblaient me supplier de la pitié tel un petit chiot laissé à l’abandon. Aucun cheveux sur son crane mais quelques petite cornes formaient un cercle en relief. De sa bouche mal fermée, on pouvait distinguer de petites dents acérées. Il me faisait à la fois peur et à la fois pitié. Cette créature diabolique semblait souffrir de sa propre apparence, me donnait l’image d’une créature mangeuse d’humain et, pourtant, apparaissait inoffensive tant elle était faible. Elle m’invita, d’un geste de sa main griffue, à prendre la porte qui était en face de moi. Je flairais le piège et refusa son offre en l’ignorant, tout simplement. Je reprenais la porte qui menait à l’escalier. Descendre était une mauvaise idée, ne sachant pas dans quel cul-de-sac il pouvait mener. Je décidais plutôt de reprendre le chemin qui m’avait conduit ici pour sortir de l’antre du démon. Je me mis à monter les marches en constatant que la créature me suivait de près. Elle ne faisait que m'accompagner, mais elle me faisait tellement froid dans le dos que, dans un élan d’humeur, je lui ordonnai froidement de s’en aller. J'eus alors un petit pincement au cœur en la voyant se retourner et me laisser seule comme je le lui avais demandé. La tête et les bras ballants, le diablotin était soumis et éduqué. Il ne m’aurait sans doute fait aucun mal. Au moins, j'étais soulagé de sa présence lourde et gênante.
Retrouvant la salle du trône, j’y trouvais une chaleur étonnante. Une grande table était dressée, courante la dizaine de mètre qui séparait le trône de la porte d’entrée. Elle était couverte de plats fumants et dégageait une odeur très alléchante. Certaine présentations étaient bien appétissante, mais d’autre étaient particulièrement dégoûtantes. Dans tous les cas, je ne reconnus aucune recette et j’étais incapable de différencier la viande de la volaille ou les légumes des féculents. Quoiqu’il en soit, je décidais de me retenir de manger. Je ne voulais pas m’empoisonner.
En contournant le trône, je découvris Toth qui somnolait, assis dans une position lascive. Il m’attendait.
“Approche et sers-toi ! me lançât-il alors qu’il se frottait les mains à l’idée d’entamer le repas.
Je n’ai pas faim. Répondis-je dans l’espoir de pouvoir le quitter le plus vite possible.
Mais si, tu as faim. Tu partiras si tu le désir, mais je m’en voudrais de te laisser l’estomac vide.”
C’est alors d’un pas ferme et décidé que … je … m’installais à sa gauche. Pourquoi ? Je n’avais jamais voulu faire ce geste. Il me fallait partir au plus vite car je sentais mon cœur battre une nouvelle mélodie que je ne lui connaissais pas. Les jambes tremblantes, je me sentis perdre ma voix et toutes mes forces. J’étais plus confuse que jamais et je ne savais plus quoi penser ni quoi faire.
“Pardon, pardon, reprit-il soudain alors qu’il remplissait son assiette. Beaucoup de magie charmeuse sont resté dans ce château. J’en ai un peu honte, mais à une époque, j’en utilisais beaucoup pour mettre à l’aise toute les femmes que l’on me donnait en offrande. Les villages alentours achetais ma protection ainsi.”
Je le savais ! Il usait de magie pour me pervertir !
“Cependant, il n’y a là que des résidus. Rien qui ne puisse ébranler un être magique comme toi”
“Je te hais !” Arrivais-je enfin à lancer avec force.
Il eut apparemment beaucoup de mal à encaisser ma soudaine intervention. Il avala avec peine la première bouchée qu’il avait mise dans sa bouche.
“Comme tout le monde ....Tu es libre de …”
“Foutaises ! le coupais-je. Tu me retiens contre ma volonté. Tu use de sortilèges et de mensonges pour gagner mon cœur, mais je ne me laisserais pas faire !”
Je perdis un peu confiance en moi lorsque je le vit, tête baissé sur son assiette. Il avait lâché ses couverts et détournait désormais son regard de moi. Je me sentais étrangement mal de l’avoir blessé. Même à un démon, je ne suis pas du genre à lui vouloir tant de mal. Je pensais qu’il aurait été piqué dans son orgueil, qu’il se montrerait autoritaire, dur, colérique, sadique … tout sauf blessé. Je ne sais comment il l’avait appris, mais il m’avait prouvé qu’il me connaissait déjà beaucoup trop, il devait savoir que j’étais une fille sensible, il devait être en train de jouer la comédie dans toutes sa perfidie pour me tromper. Je trépignais et ne savais plus quoi dire pour m’échapper. Il m’aurait pourtant suffit de me lever et de partir, j’étais libre d’après lui. Cependant, l’idée de le quitter ne me traversait étrangement plus. Sans doute l’effet de ses envoutements, encore.
Sans un mot, il reprit sa fourchette et continua son repas. Il se força d’abords avant de reprendre un rythme normal.
“Que comptes-tu faire de moi ?”
Il ne répondit pas. Ne m’adressa même pas un regard. Remplissait son assiette aussitôt celle-ci vide.
“Que comptes-tu faire de ta liberté ?”
Il finit d’avaler ce qu’il avait dans la bouche et pris une seconde de réflexion.
“Je ne sais pas. Finit-il par répondre. Surement jouer au méchant lorsque des héros viendront te sauver.”
“Jouer au méchant ?”
“Oui, c’est très rigolo comme jeu. Je mets quelques menu fretin sur leur route, je leur laisse quelque cadeau pour les gonfler d’espoir et de courage et on livre une fausse bataille à mort dans des proportions épiques !”
“C’est un jeu pour toi de tuer ?”
“Non, non ! C’est moi qui fait semblant de mourir, le méchant ne gagne jamais à la fin !”
Mes bras m’en tombaient devant l’innocence de son sourire. Il se prenait vraiment à ces règles qui n’engageaient que lui, comme un enfant avec son épée de bois.
“Mais … tu gagnes quoi à faire ça ?”
“Bah … heu … c’est rigolo !”
J’étais abasourdie par la simplicité d’esprit qu’il me livrait à présent. Pas plus loin qu’au bout de cette table, il avait abattu de sang-froid un poignée de guerrier surentraîner. Il m’avait montré la grâce et la douceur d’un prince, la puissance et l’autorité d’un roi. Et maintenant, je n’avais plus qu’un enfant en face de moi ?
“Et les trois sorcières ? Tu as trouvé ça drôle de les tuer ? Et le marais ? C’était amusant d’anéantir le paysage des environs ?”
A ces mots, il retomba dans une moue triste. Une fois de plus, je l’avais blessé. Je sentais à présent qu’il ne faisait aucune comédie en fait. Il était sincère dans sa peine.
“La prophétie disait qu’elles étaient les seules à pouvoir m’anéantir. Et elles l’ont fait. Pardon, tu as raison, ces jeux ne sont drôle que pour moi. Je ne devrais pas y jouer …”
“Qu’est-ce que tu leurs a fait ? Qu’est-ce qu’elles t’ont fait ?”
“Eh bien, on a… j’ai joué avec elles. Elles étaient si belles et si puissantes. J’ai voulu profiter de notre affrontement. Je pensais qu’elle prenait autant de plaisir que moi, mais … je les ai réduits à leur dernier espoir : le sacrifice. Tu penses qu’il aurait mieux valu que j’en mourus ?”
Il me regarda alors avec des yeux larmoyants. Je ne savais pas quoi faire, pas quoi dire. Je ne voulais tuer personne. Je n’aurais jamais pu lui répondre “oui”.
Une ambiance lourde est froide était alors tombé entre nous. Je restais muette, pensant que n’importe quelle réponse de ma part ne ferait que le blesser d’avantage. Lui aussi rester muet, son regard me fuyait désormais. Il devait vraiment avoir faim puisqu’il se resservie d’avantage et peinait beaucoup à déglutir. C’est tout juste d’un geste de la main qu’il m’invitait une fois de plus à manger. Il savait ce que j’avais subit cette nuit, ou du moins il s’en doutait. Il insistait donc à partager son repas parce qu’il devait savoir que j’en avais besoin. Je me sentais alors obligée de suivre ses conseils. C’était sans doute idiot, mais je pensais également que ce geste le réconforterait un peu et m’excuserait d’avoir bousculé son intégrité.
Il y avait de beaux couverts en argent encadrant une grande assiette de porcelaine, un verre en cristal et une épaisse serviette blanche. Je me servis parcimonieusement, comme une dame de mon rang devait le faire. Je piochais timidement dans les plats qui m’effrayaient le moins. Je n’osais pas me levait pour attraper les plats hors de ma portée, mais j’avais heureusement déjà de quoi faire. Ma vue et mon odorat de me firent pas défaut lorsque je reconnue finalement poulet, dinde et canard, carotte, salade et haricots. Les préparations étaient élégantes au palais et m’invitaient à me resservir d’avantage. Je m’y refusais cependant, un doute au fond de moi subsistait. C’est toujours dans les meilleurs plats que l’on peut glisser les poisons les plus virulents. Enfin, je ne savais plus ce que je pouvais redouter de la part de mon hôte. Il avait repris de l’appétit, surement de me voir manger. Je constatais, une fois mon assiette pleine, que lui avait vidait de nombreux plateau. Plusieurs siècle scellé dans un cocon d’araignée, je l’imaginais facilement manger le triple de ce qu’il y avait sur la table. L’idée de voir se démon sortir des crocs acérés pour engloutir son dût me fit sourire. Ce rictus fut aussitôt communiquer à Toth. Je le sentais encore troublé, mais de voir enfin une expression heureuse sur mon visage avait dut le soulager. Il s’inquiétait vraiment pour moi, j’en étais sûre à présent.
Finissant d’avaler ce qu’il avait dans la bouche, il me passa une corbeille de fruit d’où il sortit une pomme pour la manger lui-même. Cette dernière avait un curieux reflet noir, comme beaucoup d’autre dans le panier. Inquiète, je refusai poliment. Il n’en fut pas offenser, peut être mangeait-il lui-même un fruit pour me montrer que je ne risquais rien, mais de toute façon, j’étais déjà bien repue.
J’avais envie de renouer le dialogue en cette fin de repas. Je ne voulais pas qu’il ait une trop basse opinion de moi quand je le quitterais. S’il comptait juste attendre qu’on vienne frapper à sa porte, dans ce grand château froid, il finirait trop rapidement par s’ennuyer. Aussi, j’avais l’intention de revenir lui rendre visite de temps à autre et peut être profiter de sa puissance pour solliciter son aide si besoin.
« Au fait ! Je ne me suis pas présentée proprement : Je me prénomme Aurinda, Douzième Princesse des Elfes de Lunes. Je n’importe que très peu aux yeux de ma famille, étant la dernière, mais je m’assurerais de pouvoir rétribuer votre aide, Seigneur Toth. » Concluait-je espérant brosser son égo dans le sens du poil.
« Je ne suis pas un seigneur. » Répondit-il froidement.
… Je savais que quoique je dise, il l’aurait mal prit. J’avais oublié notre dernier échange et un sourire n’avait pas suffi à le lui faire oublier. J’en fus très déçue et très blessée. Il eut un long soupir, comme pour passer outre ma maladresse et tenta de relancer la conversation. Il avait surement compris mes bonnes intentions.
« Ils te chassaient pour ton sang, n’est-ce pas ? »
« Oui, Les elfs de lunes ont beaucoup d’éther dans leurs sang, plus que n’importe quel autre être en ce bas monde. J’en suis une princesse de sang pure, ça fait de moi un filon d’exception. »
« Ils m’ont dit qu’ils te chassait pour le bien de leur royaume. Ton sacrifice leur permettrait de se protéger des hordes de monstres pour de nombreuses générations. Ta vie vaut-elle mieux que celles d’une centaines de gamins ? »
Cette remarque me tomba dessus comme une lourde massue. Je ne l’avais pas vu venir. Il avait été si doux et attentionné jusqu’à présent que je ne l’aurais jamais imaginé m’attaquer ainsi. Je serrai les dents et me pris d’une colère noire. Je dus frapper du poing sur la table pour pouvoir répondre sérieusement à cette injure, mais je ne pus stopper des larmes qui coulèrent le long de mes joues.
« Comment oses-tu ?! Ils veulent me saigner jusqu’à la dernière goutte en me torturant pendant des semaines, des mois peut être même des années ! Ils sont capables de tant d’effort pour s’en prendre à moi alors qu’ils pourraient le faire à trouver des solutions plus nobles et plus pérennes. Ces sots auraient pu se garantir mille fois la protection que ma mort leur apporterait. Mais ils en ont abusé pour des richesses et des futilités qui les obligent chaque fois à repartir à la chasse aux elfs.
Leurs rois sont maudits, ils cherchent l’immortalité en buvant notre sang plutôt que de le donner à leurs machines de défense. Je donnerais volontiers ma vie pour ces gamins, mais pas une seule goutte pour ces pleutres. Alors ne me fait pas passer pour l’odieuse personne à laquelle tu penses ! Tu ne sais pas comment sont les temps de nos jours ! Tu n’imagines pas la vie de vagabondages et de misère que nous traversons pour les éviter ! Tu … tu … »
« Tu veux que je m’en occupe ? » Me coupa-t-il un soudain dans sourire mauvais.
Alors c’est ça qu’il avait cherché à faire ? Me pousser à bout pour justifier sa soif de sang ? Il est un démon, certes polie et … très beau, mais il reste un démon. Capable de ce genre de malice pour avoir ce qu’il veut. Il espérait peut être m’énerver pour que je le lui demande et ensuite passer pour un héros ? Pas avec moi !
« Tu es fou ! Sale démon ! Je ne veux pas voir de sang couler ! Je suis même certaine que tu ne manqueras pas l’occasion pour te nourrir d’autant d’innocent que tu trouveras sur ton chemin ! Hors de question d’être ton alibi ! Tu m’entends ! Si j’en avais le pouvoir, je t’empêcherais de quitter ce château ! »
Il éclata alors de rire. Un rire étonnement doux et innocent.
« Pardon, pardon. Tu as raison sur toute la ligne ! » Il sécha une larme de joie qui coulait sur sa joue et tenta de prendre un air un peu plus triste pour enchainer « Je ne suis qu’un démon. Je ne pense pas comme n’importe quelle autre espèce intelligente de ce bas monde. Je ne m’offense pas des mêmes détails et ne ris pas des mêmes blagues. Tu as raison, je me suis vue marcher sur un charnier l’espace d’un instant et je voulu croire que cela te plairait. Mais je pensais comme un démon. » Je décelais que son regard changea, le temps de la pause qu’il prit avant de terminer. Une lueur sincère et douce luisait au fond de son iris. « Mais … tu m’as libérée. S’il est une chose qui ne fait plus de moi un démon, c’est ce lien qui nous unis tous les deux désormais. Tu m’as donnée un peu de ton sang si précieux, te souviens-tu ? Un sang précieux, mais surtout pur, sucré et teinté de ta volonté propre. Tu es la seule à avoir fait ce choix de me libérer. C’est bien là ce qui sauve tous ses innocents. Je ne suis plus l’être libre que j’étais. J’ai désormais besoin de toi avant de prendre la moindre décision. Il suffit que tu me l’ordonnes et je ne pourrais plus sortir de ces murs. »
Sur cette note qui bouscula une fois de plus mon cœur, je me demandais si je l’avais blessé une fois de plus. Si c’était le cas, c’était volontaire, mais sous le coup de la colère. Une colère qu’il avait lui-même fait naitre.
Il essuya négligemment sa bouche avec sa serviette avant de se lever et quitter la table sans me regarder. Il s’étira et bailla largement, comme si ce qu’il venait d’affirmer n’avait aucune réelle importance. Alors qu’il sous entendait presque qu’il me suffisait de le demander pour … pour arrêter de faire battre son cœur. Il disparut dans l’escalier qui menait à sa chambre.
J’étais assis là, comme une pauvre sotte. Mon cerveau c’était presque arrêtait de fonctionner, il n’arrivait plus à cogiter ni à calculer toutes les informations qu’il avait reçu. J’avais ce genre de pouvoir ? Sur un être aussi puissant ? Je n’ai pas les épaules pour un tel rôle. Et s’il a tant besoin de moi, que se passerait-il si je décidais de le quitter ce soir ? Quel genre d’idées pourrait lui tourner dans la tête, seul dans ce château ? De l’aigreur ? De la tristesse ? Un vide infini ? Des maux pires que ce que je puisse imaginer ? Une prison pire que son cocon de toiles ?
Perdue dans le vide de mes pensées, je me levais machinalement et prit la direction que lui-même avait suivi quelques instants plus tôt. Je me dirigeais vers sa chambre. J’y entrais, refermant la porte derrière moi. Je m’adossais à celle-ci, fixant mes pieds, timide et peureuse. J’avais encore une question à lui poser, mais j’hésitais. Il avait tiré les rideaux, ce qui plongeait la pièce dans une pénombre sereine et bienveillante. Elle invitait à la sieste et au repos. Tout ce dont nous avions tous les deux besoins pour mettre un point final aux derniers évènements. Il s’était déjà couché, blottit dans un coin de son grand lit. Il avait laissé trainer ses vêtements à l’endroit même où il les avait enlevés, surement pressé de retrouver son matelas moelleux. Il était peut-être déjà en train de dormir. C’était idiot de poser la question à ce moment-là. Surtout avec la voix faible qui prouvait mon manque d’assurance.
« Dis-moi … sans me mentir … quels sont tes ambitions ? »
« La puissance, la richesse, la gloire, le pouvoir, le luxe … j’ai déjà eus tout ce que je voulais jadis. Je me demande aujourd’hui ce à quoi ressemblent la paix, la simplicité et la douceur … »
Je restai une longue minute silencieuse et muette. Une seule idée m’obnubilait à cet instant. Je fis glisser les bretelles de ma robe sur mes épaules jusqu’à ce qu’elles lâchent prise et fasse tomber le vêtement à mes pieds. Je le rejoignis alors pour m’asseoir sur le bord du lit, juste dans son dos. Je passais une main tremblante sur son épaule et son bras, découvrant avec plaisir la douceur de sa peau qui calma mon geste.
« Tu penses que je peux t’aider ? »
Sa main passa sur mes cuisses alors qu’il se redressait. Elle remonta sur ma hanche et sa seconde main vint me caresser la joue puis la nuque avant qu’il s’empare de ma bouche avec la sienne. Il n’eut pas besoin d’artifice extraordinaire pour rendre ce baiser unique. Il m’en avait déjà fait gouter un de glace, de cendre et de sang ; désormais, il me montrait qu’il était capable de partager les flammes, le sucre et la vie de son amour. Alors que nos nez se frôlèrent, que nos souffles se croisèrent et que nos cœurs s’unirent dans un même rythme fou, il me serra tendrement contre lui. Ma peau nue contre la sienne, mes mains vinrent se plaquer sur son dos pour que je puisse me serrer un peu plus contre lui. Je ne sais combien de temps dura ce prémices de notre amour, mais lorsque nous nous quittâmes, je dus prendre une profonde inspiration et je tombai en arrière dans la soie et dans un plaisir que personne ne pourrai jamais imaginer. Il m’appartenait … mais je lui appartenais aussi. Il ne tarda pas à venir se pencher sur moi pour me couvrir de bises, de l’épaule jusque sur la joue puis finalement mander un nouveau baiser à mes lèvres. Je me laissais faire une nouvelle fois, m’abandonnant corps et âme à mon chère et tendre. Plus bref, mais tout aussi intense. Sa joue caressa la mienne alors que sa bouche se rapprocha de mon oreille. Il laissa tomber sa réponse dans ce creux à peine audible malgré la distance.
« Je n’ai besoin que de toi … »
Trop prude, je n’aurais jamais les mots pour vous décrire l’imagination qu’un démon peut avoir dans ce genre de situation et cela malgré sa soi-disant fatigue qui l’avait mené au lit. C’est vrai que j’entrevis des expressions qui aurait dû me traumatiser, moi et mon innocence de princesse, mais il fit preuve de tant de tendresse et de délicatesse qu’il ne partagea avec moi qu’un plaisir doux et pure. Il fit preuve de tellement d’attention que je n’en ressentis aucune douleur et il parvint à ne pas marquer ma peau pâle et sensible malgré sa puissante poigne. Il fit découvrir la seule manière dont deux êtres destinés l’un pour l’autre pouvaient jouir. Il me fit comprendre qu’après le monde de la matière de nos corps, plus loin que le monde gazeux de nos esprit et même au-delà du monde éthéré de la magie, il existait un plan où l’on pouvait faire raisonner les cœurs et où nos deux êtres ne faisaient plus qu’un.
Haletant et couvert de sueur, j’allais enfin sombrer dans un sommeil sans rêve. Avant que ma conscience ne s’éteigne jusqu’au réveil, je sentis une larme couler sur mon visage, mais ce n’était pas la mienne. Alors qu’il me serrait une dernière fois contre lui, sa voix tremblante laissa s’échapper ses dernières excuses :
« Désolé d’avoir usé de tant d’envoutement pour te faire mienne. »
Avant de sombrer, j’enlaçais mes doigts entre les siens comme pour les lier à jamais.
Lorsque je me réveillais, nos doigts se liaient toujours comme une chainette incassable. J’en eus un élan de chaleur dans le cœur qui fit sortir mes larmes. Je ne voulais plus jamais quitter son étreinte. Je comprenais ses derniers mots qu’il avait lâchés avant de s’endormir mais je ne lui en voulais pas. Il avait réussis à m’envouter malgré toutes mes craintes et mes précautions, il l’avait fait avec la malice du démon qu’il était, mais au final, j’étais heureuse ainsi. C’est surement tous ses charmes magiques qui continuent de me faire penser ainsi, mais qu’importe. Je n’ai pas l’impression de m’être contredites.
Lorsqu’il se réveilla à son tour, sans un mot, nous nous levâmes. Nous fîmes un manteau avec les draps pour ne pas prendre froids et passâmes derrière le rideau qui cachait le vitrail. Il me montra qu’une porte était cachée dans les jointures de plombs ce qui nous permettait à tout instant de passer sur le balcon qui se trouvait derrière. Je lui demandai alors ce que signifiaient ces arbres, sur la baie et sur son dos. Il m’avoua que c’était un truc de famille dont il avait lui-même oublié le sens. Il préféra me confier qu’à la place de la grande étendu marécageuse et nauséabonde qui s’étendait à présent devant nous, il y avait un beau jardin et que ces arbres y poussaient jusqu’atteindre le ciel. Cela le rendait triste et il ignorait ce qui avait pervertie ce décor.
Sans aucun nuages au-dessus de nous, ni le feuillage des bois dont il me parlait, on pouvait apprécier la lune, parfaitement ronde et brillante d’une lueur d’argent sans égale. Je me confiais aussi à lui pour lui dire que la pleine lune était un évènement particulier pour notre clan puisque c’est pendant ces nuits là que nous devenons aussi puissants que des dieux. J’affirmais avec certitude être plus puissante que lui à cet instant. Ca le fit rire. Il se demandait de manière rhétorique ce que je faisais encore dans ses bras si c’était vraiment le cas. Son regard songeur, je savais qu’il sous entendait que ses sorts, qu’il m’avait jeté, faisait toujours leurs offices. Cela lui prouvait qu’il m’était toujours supérieur, mais moi, j’étais persuadé du contraire.
Nous vécûmes heureux par la suite. Dans une solitude qui nous allait bien. Ma famille vint à passer quelque fois, mais ils ne surent apprécier mon nouveau conjoint. Par eux, je reçu des nouvelles du monde extérieur et, alors que je voyais nos jardins refleurir, je constatais que les sorcières s’étaient bien trompé sur Toth. Il est un démon, c’est vrai, et ses manières de faire n’appartiennent qu’à lui. Mais le monde n’est pas pire que pendant son sommeil et mon destin est beaucoup plus rose que tous ce qu’elles avaient pu imaginer.