Le silence est comme l'ébauche de mille métamorphoses ▬ Yves Bonnefoy
Sa main tremble lorsqu’elle se pose sur la vieille grille qui s’étire jusqu’aux cieux. Lorsqu’elle pousse le fer froid, un grincement inquiétant la fait reculer d’un pas. C’est de la folie, c’est absurde, qu’est-ce qu’elle fait là ? Ses yeux se posent alors sur cette poupée qu’elle tient à la main, souriante et innocente à l’image de cette petite sœur qu’elle a perdu il y a tant d’années.
Son vieux cœur souffre, s’essouffle. Elle n’en a plus pour très longtemps. Sa dernière action sera de jeter cette poupée dans ce fameux gouffre. Plus personne ne croit aux vieilles légendes et pourtant elle, elle y croit encore. En jetant cette poupée dans ce gouffre, la vieille dame sait qu’elle lui donnera vie, elle en est même persuadée. Ce sera dès lors son ultime geste avant de rejoindre sa sœur dans la brume.
Lorsqu’elle tire l’antique couverte renfermant le gouffre, un large nuage de poussière se soulève. Elle tousse, elle gronde, elle s’étrangle. De ses doigts glisse la poupée et déjà, le personnage de chiffon disparait dans le néant de ce trou béant. Ses yeux se lèvent vers cet immense château face à elle, celui que l’on dit hanté, celui que l’on dit peuplé de tous ces objets devenus humains suite à leur abandon dans le gouffre du parc.
▬ “Il y a le réel et il y a l'irréel. Au-delà du réel et au-delà de l'irréel, il y a le profond.” Henry De Motherlant. |
Elle titube, elle s’éloigne, elle aspire de larges goulées d’air telle une noyée en sursis. Ses faibles jambes la portent jusqu’au dehors de cette propriété mais pas beaucoup plus loin. Elle se pose sur une large pierre, quelques instants seulement. Mais ces quelques secondes suffisent, un léger sourire apparait sur son visage. Sa sœur, elle l’aperçoit, elle peut presque la toucher du bout des doigts.
De l’autre côté des hautes grilles, derrière les murs de ce vieux château, plus précisément derrière la troisième fenêtre du premier étage, la légende prend vie. Cette poupée abandonnée n’est plus de chiffon, elle est de chair et sang maintenant. Son regard traverse la vitre, elle observe cette vieille dame s’éteindre, cette bonne âme qui lui a offert la vie humaine. Ce château sera sa maison, ce parc sera son jardin et cette grille sera sa frontière. Désormais, elle a intégré une nouvelle famille.
C'est une idée qui me trotte en tête depuis quelques temps mais que je n'aurais ni le temps ni la motivation de créer moi-même ( par contre, je serais plus que ravi de vous rejoindre si quelqu'un s'y intéressait ! ).
Bonne lecture !