Bonsoir bonsoir ! ♥
Je viens apporter ma voix à ce débat, la question est vraiment intéressante ! D'autant qu'elle nous touche beaucoup en tant que rôlistes. On peut avoir différentes visions à propos de ça, bien sûr, mais je pense surtout qu'on ne peut pas vraiment partir sur une réponse claire, nette et définitive qui se dirigerait uniquement sur un "oui" ou un "non". Même si je me situe plutôt du côté du "non ce n'est pas dangereux", je me doute qu'on peut trouver des arguments allant dans le sens contraire. Je vais essayer de mettre en lien l'article et mon expérience de rôliste mais ça pourra être un peu confus, mea culpa >>
Pour certaines personnes, écrire, c'est leur vie. C'est mon cas, c'est le cas pour beaucoup d'autres ; soit. Ecrire ça permet de se vider la tête, de s'évader, développer son imagination, laisser courir sur le papier toutes ces pensées qui s'entrechoquent dans notre tête et qui ne peuvent pas sortir autrement. Ca aussi, c'est subjectif, c'est clair ; mais pour la plupart des gens, écrire, c'est vraiment libérateur. C'est pas seulement mettre en scène des personnages, parfois c'est aussi mettre en scène une partie de nous.
Bien. Avec cette base, nous pouvons continuer. Un jeu de rôle peut-il être dangereux ? Oui et non. Tout dépend de la personne, de son vécu. Quelqu'un peut s'identifier totalement à ses personnages, tout comme quelqu'un d'autre peut en être détaché -- ce n'est pas mon cas, c'est très difficile de ne pas faire partager ses propres pensées à ses personnages, après tout : c'est nous qui écrivons.
Mais le réel danger est peut-être de se laisser entraîner plus loin dans nos écrits. C'est vrai, je peux le dire : je ne vis quasiment qu'au travers de mes textes, j'ai quasiment pas de vie, et franchement, ça m'aide à compenser un peu. Parce que ça me fait du bien, que ça m'aide à me comprendre, à m'écouter aussi un peu. Mais même si l'écriture peut se révéler un parfait défouloir, pour nous libérer des pensées négatives en parvenant à les mettre en mot, ils peuvent aussi, pour certaines personnes, révéler d'autant plus leur fragilité. Pour des ados, écrire un texte sur le suicide, ça peut être vu comme un jeu, tout comme un moyen de se libérer de son angoisse. Ca ne veut pas dire qu'il est suicidaire. Mais ça peut l'aider à essayer d'envisager, de comprendre, de toucher à la réalité. On comprend beaucoup de choses en écrivant... Mais si on se laisse trop entraîner, si on perd cette notion de réalité, c'est pas là que ça peut être dangereux ? Ou dans le message qu'on fait passer aux autres, consciemment ou pas ?
Dans tous les cas, en parler avant, mettre par écrire, même par le biais d'un "autre" (dans l'article, l'adolescence qui dit s'être mise dans la peau d'une "fille mal dans sa peau, grosse, rejetée") permet sûrement de cibler ce qui nous inquiète ou nous angoisse. Ca permet peut-être de relativiser, aussi. Il y a à la fois distanciation et appropriation du texte par rapport à notre vécu. Cette distanciation est celle qui nous permet de comprendre, en tant que "se mettre dans la peau de quelqu'un d'autre", que ce n'est justement pas nous qui parlons. Mais cette proximité, créée tout simplement par l'écriture, permet aussi de nous libérer de notre angoisse -- peut-être sans nous en rendre compte -- et de s'interroger -- inconsciemment ou non -- sur la question. (De toute manière, quand on écrit sur quelque chose, faute de toujours taper juste, on en a au moins des a priori plus ou moins proches de la réalité. Mais du coup, si on se pense informé et qu'en réalité on ne l'est pas... C'est là que ça coince.)
La rédac' de ce professeur (pour en revenir au sujet éventuellement) peut-être mal interprétée. Je pense pouvoir affirmer que le but n'était pas de mettre ces collégiens dans une position inconfortable -- au contraire, il est louable de parler de tels sujets tabous ; d'autant que, malgré la maturité parfois assez basse des élèves de troisième, il est possible de parler de choses de la vie réelle sans qu'ils n'en ressortent traumatisés (dieu sait ce qu'ils font déjà sur le net, hein !) Parler du suicide avec ses élèves, ou au moins les faire réfléchir seul sur le sujet, ça peut être bien. À condition de le faire correctement. Toucher de tels sujets nécessitent d'en parler à côté (c'est comme causer de la sexualité sans évoquer la contraception en SVT ; ça peut sembler normal, mais faut le faire, et le faire bien.) D'autant que des collégiens mal dans leur peau, y en a des tonnes ; et comme l'ont déjà dit certains d'entre vous, un suivi pourrait même être mis en place si l'enseignant estime voir un problème.
Mais là où le sujet fâche, c'est surtout que justement, la réalité de ce qu'on écrit peut parfois trop ressortir sur nous. C'est inconscient, souvent. (Puis ça peut donner des idées, hein, vraiment. Les gens sont comme ça, influençables. On a beau dire que "non on ne l'est pas", y a tout qui nous influence : ce qu'on lit, ce qu'on voit, ce qu'on entend, et surtout notre entourage proche.) Il faut y faire attention ; et là où les parents d'élèves n'ont pas eu tort, c'est à propos du choix du thème de l'enseignant. Il faut faire attention lorsqu'on manie l'"autobiographie" dans un texte. Personnellement, ça ne me choque pas ; ça ne semble pas choquer grand monde ici non plus, parce qu'on est tous plus ou moins habitués via nos jeux de rôles. (Ce qui, en soi, ne fait pas de nous des êtres profondément malsains, j'imagine.) Et tant qu'on reste conscients qu'un personnage reste un personnage, qu'un rôle reste un rôle, ça va, on est safe. Et on ne profite que du bon côté de l'écriture. Même si j'imagine que pour quelqu'un de joyeux et tout, ça doit pas être super facile (surtout s'il n'est pas habitué à écrire, comme pas mal d'élèves en 3e) d'écrire les raisons du "pourquoi on veut se suicider", même si c'est en parlant de quelqu'un d'autre. Ca peut décontenancer. Et amener à se poser des questions. Bref, tout dépend de la sensibilité de chacun ! Mais franchement, se poser des questions, je pense pas que ce soit mal. Trop, c'est sûr, ça vire à la catastrophe ; mais si on se contente de fermer les yeux, on ne grandira jamais, on apprendra jamais rien, et on restera à jamais des foutus moutons. Penser par soi-même, de nos jours, c'est pas donné à tout le monde visiblement... Et même si le collège/lycée est censé aider à développer cette capacité, j'ai un peu de mal à croire que ça marche, vu la réceptivité des fauves...
Aussi, je suis d'accord avec Aron pour dire que l'intitulé du sujet était un peu trop restreint. Pourquoi forcer l'apprenti écrivain de choisir lui-même comment finirait cette rédaction ? C'est vrai, c'est triste. C'est peut-être ça le plus gros problème ; c'est super pessimiste, et je pense que le potentiel de défouloir/objet de questionnement existentiel n'est vraiment pas atteint dans sa formulation. (Araik le dit très bien d'ailleurs : c'est plus de la philo que du français, mais c'est bien de faire une petite ouverture, même à cet âge-là, je pense. Plus ils sont confrontés à ce genre de réflexion tôt, plus ils seront capables d'agir avec maturité si le contexte les amenait, plus tard, à se retrouver dans cette situation.) Le sujet est trop orienté sur une fin nette et définitive, déjà courue d'avance ; et c'est en cela qu'il est gênant pour moi. (Je plussoie aussi le côté chronophage de la chose ; ça mérite réflexion après coup...)
Pour ce qui est des rôlistes, cette fois (promis j'ai presque fini ahah), je me situe plutôt du côté "Balancez la sauce !" Aucun intérêt à jouer un personnage plat et sans personnalité, je préfère largement en jouer un poils dépressif, légèrement toqués, tout ça tout ça. Selon moi, tout le monde vit avec ses démons, petits ou grands, et c'est ça qui nous construit en tant qu'être humain. Quelqu'un qui n'a vraiment
aucun problème dans sa vie, ça n'est pas intéressant à jouer. Tant mieux pour eux, dans la vraie vie, hein ! Mais honnêtement, que celui qui n'a jamais été triste ou malheureux me jette la première pierre. (Et dans le même sens : que le rôliste qui n'aime pas martyriser son personnage se montre, hein
)
Sinon, ben, j'ai pas tout lu parce que c'est long et que mes yeux fatiguent, mais la critique de Samhain me semble très complète ! (J'avoue avoir été attirée par le gros "EDUCATION" au début de ton avis, sachant que je comptais en parler dans mon pavé... Notamment le coup de l'autruche ; c'est un truc qui m'exaspère profondément dans la société actuelle. Quand je vois des gens capables de laisser un gamin de dix ans à l'extérieur du tram avec la main coincée dans la porte, franchement, ça me débecte prodigieusement, mais c'est pas grave. Bref c'est pas le sujet !) Ton dernier paragraphe encore plus, par ailleurs, rapport aux préjugés, au respect et tout ça. C'est une chose importante aussi, et j'ai beaucoup aimé la manière dont tu as expliqué tout ça !
Bref, c'est pas ce qu'y a de plus complet, c'est un gros foutoir, mais je pense avoir plus ou moins fait le tour du sujet pour le moment xD En espérant ne pas avoir trop tapé à côté.
J'espère que ça apportera quelque chose au débat, j'essaie de voir un peu tous les points de vue (même si c'est difficile dans certains côtés ;w;)
Bonne soirée~