Bonsoir bande de pirates mal fagotés !
En cette belle soirée je vous fais part d'un peu de tranquillité. Pour ça il vous suffit de lire, d'apprécier et de voter
Texte #1 :
Texte #2 :
Texte #3 :
Texte #4 :
Vous avez jusqu'au vendredi 10 avril pour voter !
En cette belle soirée je vous fais part d'un peu de tranquillité. Pour ça il vous suffit de lire, d'apprécier et de voter
Texte #1 :
Pour votre tranquillitéIsaac avait la meilleure vie au monde. C’était tout du moins son avis. Depuis qu’il avait intégré l’Ile, il éprouvait un sentiment de légèreté permanent. C’était ça le vrai bonheur pour lui : ne plus avoir ce poids constant que la vie fait peser sur ses épaules, cette lourdeur si permanente qu’on ne se rend même plus compte de son existence. L’Ile lui avait offert le plus beau cadeau au monde : la tranquillité. La société ne s’imposait plus à lui, il avait choisi sciemment d’intégrer la communauté de ses rêves. Il avait même participé à sa création, la façonnant à son image. Il avait trouvé sa liberté, il était heureux.
Né au début du XIXè siècle en France dans une famille de la fameuse classe moyenne, il avait l’impression de n’avoir jamais connu la sérénité jusqu’alors. Dès son plus jeune âge, il avait connu la crainte du chômage (d’abord pour ses parents puis pour lui et un jour ce serait pour ses enfants), la menace du terrorisme, la défiance envers la politique et la perte de confiance en l’homme en général. L’anxiété l’avait toujours recouvert de son ombre, se faisant de plus en plus épaisse. On l’avait parfois dit malade mais il avait été bon joueur, n’avait pas tout rejoué en bloc. Ca ne serait pas la société qui serait atteinte mais lui ? Très bien, il avait fait des efforts. Il était allé voir un psychologue. C’était bien sûr n’importe quoi. Isaac le savait avant et son unique séance n’avait fait que renforcer ses convictions. Il n’avait pas eu besoin d’aller plus loin. Continuer c’était jeter son argent par les fenêtres et perdre de l’argent le rendait encore plus « malade ».
C’est internet qui l’avait mené à sa solution. Au hasard de ses recherches, il avait trouvé un groupe de soutien. Il avait tout de suite accroché avec les gens qui le constituaient et encore plus lorsqu’ils lui avaient parlé de leur grande idée. Ils allaient créer leur propre communauté, une société d’une trentaine de personnes vivant coupées du monde. Ils ne parlaient pas d’Etat, créer un Etat était bien trop ambitieux et c’était également se conformer au système établi. Eux, ils voulaient en échapper et ne plus rien avoir à faire avec lui. Ils avaient pour projet de faire une société autosuffisante aussi éloignée du monde que possible. Un objectif : la tranquillité des gens qui y vivraient.
Hugo, un membre de la communauté qui passait plus de temps sur son voilier que sur terre, leur donna le parfait endroit où s’installer : une île inhabitée proche de la Réunion. L’île appartenait à l’Etat Français mais celui-ci ne s’en occupait pas. Pourtant, elle était propice à l’agriculture, point très important pour le projet. La proximité avec un territoire français permettait également à la communauté de profiter de certains avantages. En cas de besoin, ils pourraient ainsi retourner sur le territoire Français pour se faire soigner ou tout autre besoin ne pouvant être pris en charge par l’île.
Cela nous amène au 2 octobre 2033. Grâce à énormément de chance, pas mal d’argent et de détermination, la société était installée depuis deux ans sur l’île. La vie y était aussi rudimentaire qu’agréable. Ils étaient finalement coupés du monde si nocif pour eux. Sur l’Ile, nulle pollution, nulle nuisance sonore et nulle compétition malsaine. Ces agressions et bien d’autres étaient supprimées. Isaac se leva vers 7h ce matin-là. Il vivait seul, faisant partie de la minorité de célibataires ayant décidé de prendre part à l’expérience. Il n’aimait pas petit-déjeuner alors il partit directement s’occuper des animaux. C’était son rôle, il faisait partie du groupe en charge de l’agriculture. Il avait choisi l’une des activités qui permettait d’être complètement coupé du monde. D’autres s’étaient portés volontaires pour être des intermédiaires entre la communauté et le monde extérieur, des rôles appelés à diminuer pour le confort de tout.
Il passa la journée dehors, parfois seul, parfois avec d’autres habitants. Un jour comme les autres dans la nouvelle routine si apaisante d’Isaac. Mais il ne trouvait nul ennui dans cette simplicité, elle lui révélait au contraire les merveilles du monde et la vacuité de l’effervescence. Peu à peu, il avait oublié de s’obliger à s’occuper. Il avait trouvé sa voie : il cultivait son jardin.
Ce soir-là, il mangea avec quelques amis puis décida de rejoindre avec eux un groupe de discussion. Il s’agissait de réunions informelles servant à discuter du ressenti des habitants sur l’île, de leurs manques, envies et idées. Aucune complainte ce soir-là, comme tous les soirs. Juste quelques idées et le récit de leur joie d’être là. Isaac passa une charmante soirée. Rempli de bonne fatigue, il rentre finalement chez lui.
Il venait d’éteindre les lumières lorsqu’on frappa à sa porte. Il l’ouvrit et trouva Charlotte. C’était une jeune femme aux yeux bleus comme la mer qui entoure l’île et une célibataire comme lui. D’ailleurs, il aimait bien Charlotte. Mais ce n’était pas à son habitude de venir le voir à cette heure-là, comme ce n’était pas à son habitude de pleurer. Elle rayonnait de détresse, Isaac s’en sentit désemparé. Pourquoi cette tristesse ? Cette émotion n’avait rien à faire ici ! Il n’y avait plus de raison, on les avait éliminées !
« Charlotte ? »
Seul le silence lui répondit. Il répéta son prénom deux fois, trois fois. Il ne savait même pas si elle l’entendait, elle semblait perdue en elle-même. Isaac se demanda s’il devait aller chercher de l’aide. Puis elle soupira, comme si elle s’apprêtait à sauter dans le vide.
« Je peux entrer ? »
Il l’y invita, elle s’assit à la table. Ses yeux océans se concentrèrent sur Isaac jusqu’à ce qu’il la rejoignit. Puis, elle fixa le mur.
« On a été d’une bêtise incroyable.
- De quoi parles-tu ?
- Stupides
- Oui ?
- Idiots ?
- Explique-toi ! Ton silence, il… Il nuit à ma tranquillité.
- Tranquillité ! réagit-elle à la formule qui aurait normalement dû couper court à tout débat
- Charlotte ! Utilise des phrases !
- Vous n’avez que ce mot à la bouche, tranquillité. La vôtre. Votre envie de ne plus rien assumer, de ne plus rien savoir. Pour vivre heureux, vivons ignorants. Oh, que c’est agréable de vivre sans se soucier des autres ! Qu’on est bien lorsqu’on fait taire cette saleté d’empathie ! Avec cette île, vous n’avez pas dompté vos émotions. Vous les avez réprimées. Enfin.. Pas vous. NOUS ! Moi comme vous. On a été stupides ! Idiots ! C’est notre faute, on s’y est mis seuls dedans. Je ne pense même pas que ce soit de la manipulation. Juste de la bêtise »
Son regard devint noir, sa voix accusatrice. Elle monta crescendo jusqu’à taper du poing sur la table. Ce geste l’adoucit tout à coup, comme si elle revenait à la réalité. Comme si l’absurdité de son geste lui avait fait ouvrir les yeux sur celle de son discours. Elle respira, Isaac en profita pour lui dire qu’il craignait qu’elle ne soit en plein délire.
« Excuse-moi. Je m’énerve contre toi alors que c’est à moi que j’en veux le plus. Tu ne sais même pas de quoi je parle… »
Elle lui raconta alors comment elle tentait depuis quelques jours de joindre sa mère sans succès. Isaac avait justement entendu parler de ces problèmes de réseau, les équipes étaient au courant et tentaient de les régler. Charlotte rit jaune à sa remarque. Elle inventa alors cette histoire fantasque dans laquelle sa mère et une grande partie des européens étaient décédés. Une pandémie selon elle, une énième mutation de la grippe qui se diffusait à une rapidité incroyable.
« Mais qu’est-ce que tu racontes ? Tu n’as pas de fièvre ? Une intoxication alimentaire ? Tu divagues, Charlotte. Tu m’inquiètes !
- J’ai réussi à joindre mon frère. Ecoute, ils nous le cachent comme ils cachent tout ce qui se passe hors d’ici. C’est bien ce qu’on avait demandé, non ?! Et ils savent que je doute. Ils sont venus me parler plusieurs fois aujourd’hui, sans raison. J’ai tenté de prendre l’avion et ils m’ont dit qu’ils ne pouvaient pas décoller, ne pourraient pas d’un moment… Et des gens sont en train de mourir. Des millions de gens, nos familles incluses. On ne le sait pas, on ne nous le dit pas. C’est ce qu’on a choisi : l’ignorance. C’est le prix de notre vie ici. Pour notre petit bonheur, on a décidé de se désolidariser de celui de toute une humanité… »
Elle parlait vite, s’énervant, tremblant et pleurant tour à tour. Rien ne semblait pouvoir l’arrêter. Elle ne le regardait même plus, ses yeux étaient aussi perdus que son esprit. Et Isaac se sentait de plus en plus mal à l’aise. Il réalisait que Charlotte était une inconnue, une inconnue délirante qui plus est. Il ne croyait pas une seconde à son histoire qui avait tous les traits d’un scenario entre l’horreur et la catastrophe. Tellement fou que ça ne pouvait être qu’un égarement de l’esprit.
Enfin, il n’en put plus. Il ne pouvait rien faire, il se résolut à contacter l’Office. Eux pourraient s’occuper d’elle. Charlotte s’énerva, cria et claqua la porte en partant. Secoué, Isaac resta immobiles quelques secondes ou peut-être même minutes avant de rappeler les services de garde. Il resta inerte, incapable même de penser, jusqu’à ce qu’on le rappelle pour lui dire qu’elle avait été retrouvée (bien sûr, où aurait-elle pu aller ?). Isaac reprit enfin pied. Il n’avait alors plus qu’une envie, celle de retrouver sa routine. Il avait besoin de son monde sain et contrôlé, rassurant. Il reprit le cours de sa vie, allant donc se coucher. Il dormit tant bien que mal.
Le lendemain, il fit comme tous les jours jusqu’à ce que, vers 15h, il ne tienne plus. Il prit des nouvelles de Charlotte, il s’inquiétait tout de même pour elle. On lui assura qu’elle allait bien mais qu’elle avait besoin d’isolement. Puis, sans vraiment s’expliquer pourquoi mais sans doute pour se rassurer tout à fait, il se dirigea à l’ouest de l’île. A l’aéroport, on lui annonça qu’aucun vol ne pouvait partir et ce pour une durée indéterminée. Mais qu’il ne s’en fasse pas : c’était pour sa tranquillité.
Texte #2 :
« Sois sage, ô ma douleur, et tiens-toi plus tranquille ! » Baudelaire
Il n'y a pas de quiétude sans tumulte. Pas de sérénité sans souffrance. La tranquillité du corps et de l'esprit est toute subjective, dès lors, qu'il est aisé de se voiler la face sur une réalité que l'on ne saurait supporter.
- Salut Papa !
Si l'on occultait le « bip » continuel, seul le silence régnait en ces lieux où la clarté semblait se répandre sans limites, accentuant cette accalmie perpétuelle.
Sourire aux lèvres, j'avançai dans cet ersatz de couloir me menant au cœur de la chambre et posai mon sac sur la première chaise que je rencontrai. Comme à l'ordinaire, je me défaisais de mon blouson, avançais près du lit pour déposer un baiser sur la joue de mon père sans en attendre un en retour, et me détournais presque aussitôt pour observer le paysage au travers des rideaux.
- Ça va c'soir ? Purée y a une de ces circulations à cette heure ! Le bruit ne te dérange pas trop, ça va ? Ça m'étonne, toi qui ne supporte pas ça !
Questions rhétoriques sur questions rhétoriques. C'est tout ce que je lui servais depuis qu'il avait regagné cette chambre il y a maintenant deux semaines, car voilà bien longtemps maintenant qu'il ne parlait plus. Non pas qu'il ne le veuille pas cependant. Il ne le pouvait simplement plus.
- Pfooouh ! Purée, crevante cette journée de cours, j'en voyais pas l'boooout !, repris-je finalement après un volte-face, m'écroulant presque littéralement sur la première chaise à portée.
Lorsque je relevai les yeux sur lui après avoir exagéré mon état de fatigue, il me fallut fournir un effort monstre pour ne pas perdre mon sourire alors qu'il me fixait.
Mon père n'avait jamais été un modèle de tranquillité. Il était toujours stressé pour un rien, à s'énerver dès que les choses n'allaient pas comme il le voulait - et il était bien rare qu'elles daignent aller dans son sens ! Ces accès de colère ou plus sobrement, d'agacement, nous retombait toujours dessus, à ma mère et moi, contraintes et forcées de composer avec sa mauvaise humeur et ses longs soupirs. Et pourtant, il pouvait se montrer aussi drôle que désagréable. Il était toujours le premier à faire des blagues et adorait faire croire à ma mère des choses qu'elle seule pouvait envisager sérieusement !
… Mais là, il était si calme, allongé ainsi sur son lit, à m'observer simplement. Oh bon sang, qu'il était difficile de le regarder là, apathique, sans penser à ce putain d'accident un mois auparavant. Sans penser à cette hospitalisation de merde. Sans penser à cet état végétatif dans lequel il avait été pendant ce qui me semblait être une éternité. Enfin, non. Pas « état végétatif ». Je devrais dire « syndrome d'éveil non-répondant », parce qu'il paraît que c'est moins péjoratif. Ne m'avait-on pas appris à être précise et à utiliser les termes adéquats, pendant mes années de licence en droit ?
Quoi qu'il en soit, il était si difficile de le regarder innocemment, qu'au fond, c'était tout bonnement impossible. Pendant deux semaines, on avait espéré le voir se réveiller et nos prières avaient finalement été entendues par je-ne-sais-trop-qui. Seulement, je découvrais au fil des jours que cet état était presque pire que le précédent. Éveillé, il l'était. Il nous suivait des yeux et les infirmières nous affirmaient qu'il était en mesure de pleurer ou de sourire... Mais moi, je ne l'avais jamais vu faire. Elles pas davantage, d'ailleurs. Il pouvait, ça, oui, et je n'en doutais pas un seul instant. Seulement il ne le voulait pas.
« Comme votre père est calme ! », « Comme votre père est tranquille ! », « Comme il est paisible ! ». La bonne blague. Si l'envie de pleurer ne me tenaillait pas à ce point les entrailles, j'aurais probablement ri aux éclats de leur entendre dire pareilles inepties. Cette ataraxie qu'elles pensaient voir n'était qu'une impression. Ça ne relevait que de son apparence, de son corps, étendu là, incapable de se mouvoir et d'évoluer comme il le faisait auparavant.
Je connaissais mon père. Qu'importe que son visage soit figé, je lisais dans ses yeux. Je voyais cette colère infinie bouillonner contre son propre état, contre ce qu'il était devenu. Il avait beau ne pas parler, je savais qu'il aurait préféré ne jamais se réveiller de son coma. Jamais il n'aurait souhaité cet « état de conscience minimal » qu'on lui diagnostiquait.
Et pourtant je prenais mon mal en patience. Je savais qu'à force d'exercices, à force de volonté, mon père avait quelques chances de se sortir de cet état. Combien exactement, je l'ignorais. Je savais néanmoins qu'il ne se faisait pas d'illusions sur cette issue. Je savais, également, que même s'il avait la certitude de pouvoir s'en sortir, il ne serait pas capable de supporter psychologiquement une dépendance majeure aussi longue.
« Putain... Si un jour je finis comme ça, tu me tires un coup d'fusil, hein ! », disait-il à chaque fois que des reportages quelconques à la télévision, montrait des personnes réduits à l'état de légumes. « Hésitez pas, hein, vous me débranchez ! », nous disait-il, à ma mère et à moi.
Ces paroles me revenaient sans cesse en mémoire lorsque je venais lui rendre visite dans cet hôpital. Pis : je savais qu'il n'ignorait pas lui-même que ces paroles me hantaient à chaque fois que je lui rendais visite. Et pourtant je souriais devant lui, je lui racontais mes journées, mes mésaventures, en essayant de le distraire, de l'arracher à ce putain de quotidien qui, pour lui, n'était plus que torture.
Jamais je n'avais pleuré devant lui, mais toujours, je m'effondrais en le quittant. Et le lendemain, je revenais, tout sourire, pour reproduire inlassablement le même schéma hypocrite que j'abhorrais.
- Oh ! Excuse-moi, je... C'est que je pensais à mon cours, là, c'est... Il...
Rien à regarder dans cette foutue pièce sans paraître gênée de devoir constater son état. Rien d'autre. Je ne pouvais que le fixer lui, et après autant de temps passé, après ces deux interminables semaines, j'étais à bout aussi sûrement qu'il l'était lui-même.
- P'pa, arrête de me fixer comme ça, s'te plaît...
Trop tard. Déjà, je pleurais. Autant pour lui que pour moi. Autant pour cette tranquillité détestable à laquelle il était contraint que celle à laquelle je me forçais.
Un échange de regards supplémentaire fut la goutte de trop. Mon corps se rua sur le sien et l'enlaça simplement, secoué par les sanglots qui brûlaient ma gorge.
J'ignore combien de temps je suis restée ainsi, allongée à ses côtés. Aucun mot ne fut échangé et pourtant, je savais ce qu'il désirait aussi certainement que moi.
Lentement, mon corps se pencha et mes doigts tâtonnèrent le sol, longeant les câbles jusqu'à regagner le mur et la prise. Il suffit d'un infime mouvement pour débrancher le large bloc de prises électriques et le « bip » insupportable se tut enfin. Alors, le calme s'installa réellement. Alors, la sérénité habituelle qui régnait en ces lieux s'abattit véritablement.
C'est en regardant une dernière fois les yeux de mon père que je compris qu'il n'y a pas de quiétude sans tumulte.
C'est en souriant que je constatai combien, enfin, son âme semblait apaisée. Combien, enfin, il avait atteint l'ataraxie.
Ma tête se reposa contre son torse en silence, soulevée au rythme de sa lente respiration alors que les larmes coulaient à nouveau sur mon visage. J'avais compris qu'il n'y a pas de tranquillité sans souffrance. Que la tranquillité est quelque chose d'ô combien égoïste.
Texte #3 :
S’éveiller dans ce monde que l’on n’a jamais visité et que l’on connait pourtant si bien. Depuis combien de temps n’ai-je pas mis les pieds dans ce lieu de méditation. Chaque fois que j’y viens, il change, ne serait-ce que quelques détails, suivant mon humeur. Est-ce parce que je ne les ai jamais remarqués ou parce que je suis seule maitresse de ce lieu ?
Une fois que l’on y apparaît, il se fige. Non, on n’entre pas dans ces dimensions parallèles, on s’y téléporte sans s’en rendre compte. Aussi soudainement que paisiblement. Et l’endroit ne semble pas perturbé, il nous attendait. Il semble être là pour nous, accueillant, réconfortant, protecteur. Il chante de douce mélodie silencieuse, nous émerveille sans nous choquer et nous laisse aller et venir à notre rythme. Il est parfois vide et inhabité, nous rappelle les bienfaits de la solitude et impose tendrement la sérénité et la plénitude.
L’eau est fraiche et vivifiante, quelques remous jouent un rythme de berceuse sur ma peau libérée de tous vêtement. Pas la moindre brise pour déranger mes cheveux. Le bruissement de quelques cascades envahie une atmosphère sonore dénuée de parasite. Quelques gouttes tombent dans l’étendue d’eau, récitant une mélodie nostalgique. Les échos reprennent les cœurs. Une légère odeur sucrée caresse mon nez. Elle remplit mon ventre de fruit sans que j’aie à les mordre. Ouvrant les yeux, je redécouvre les faibles lueurs turquoise qui illuminent ce lac souterrain. Elles sont entrainées dans la danse des vaguelettes causées par chaque détail m’entourant. La lumière sort des chutes qui se trouvent à l’autre bout de la cave et les ombres des stalactites au plafond me font penser à de grandes harpes noires. Je n’ai pas besoin de beaucoup d’effort pour imaginer de longs doigts fins pincer ces cordes.
Lorsque j'étais petite, je venais y rencontrer ma seule amie avec qui nous jouions comme les enfants sages que nous étions. Sans un mot, nous nous tapions dans les mains, nous cachions sous l’eau et nous éclaboussions. Elle m'attendait toujours avec impatience et je regrettais toujours mon départ. Plus tard, en grandissant, cette amie disparut, elle aussi avait grandi et avait changé de forme. Sa présence était toujours là, son ombre parfois se projetait sur les murs. Elle me consolait, guidait mon âme et réchauffait mon cœur. Aujourd'hui, elle n'est plus là mais je ne suis pas triste. Elle est cet esprit qui comble les enfants seuls et je suis à présent bien entourée dans ma vie. Trop peut-être. Elle est partie pour laisser ce lieu inhabité et m'offrir un havre de paix, un coin de solitude, une fraîcheur dont j'ai besoin pour vider mon esprit et relancer mes motivations.
Je me réveille enfin d'un sommeil profond. A me casser la tête sur cette feuille blanche. J'y ai laissé un filet de bave en plein milieu. Quel gaspillage. Je n'ai plus qu'à la jeter. Et pour cette joute à la plume ? J'abandonne à une autre fois, lorsque j'aurais plus d'inspiration. Mais cet échec ne m'affecte pas, j'ai passé un peu de temps dans mon refuge. Je peux aller à d'autres occupations, d’autres envies, l'esprit tranquille.
Texte #4 :
Ma liberté, longtemps je t'ai gardée, comme une perle rare,
Ma liberté,C'est toi qui m'as aidé à larguer les amarres.
On allait n'importe où, on allait jusqu'au bout des chemins de fortune
On cueillait en rêvant une rose des vent sur un rayon de lune.
Assise au bord de la falaise un soir de printemps, je savoure ma tranquillité retrouvée. La lune, cet astre mystérieux, me fixe de son regard jauni par le temps et les épreuves. Je plonge mon regard dans l'eau scintillante, qui profite de la bonté de la dame lointaine. Je regarde ma montre avant de me décider à rentrer. Le vent s'est levé doucement et soulève, joueur, mes cheveux.
Ma liberté devant tes volontés ma vie était soumise
Ma liberté je t'avait tout prêté ma dernière chemise
Et combien j'ai souffert pour pouvoir satisfaire toutes tes exigences
J'ai changé de pays,j'ai perdu mes amis pour gagner ta confiance.
La maison est calme. J'en profite pour fredonner un refrain de Georges Moustaki, dont Ma liberté est ma chanson préférée. Ce passage me marque plus que les autres. Moi aussi, j'ai souffert, mais différemment. Je me suis longtemps considéré comme prisonnière de ma relation amoureuse, avant d'avoir la force de m'échapper, tel un oiseau qui s'enfuit de sa cage dorée et des contraintes qui l'accompagnent.
Ma liberté,tu as su désarmer mes moindres habitudes,
Ma liberté,toi qui m'as fait aimer même la solitude.
Toi qui m'as fait sourire quand je voyais finir une belle aventure,
Toi qui m'as protégé quand j'allais me cacher pour soigner mes blessures.
Depuis mon évasion, je revis, à l'instar du chanteur. Pouvoir agir à ma guise, parcourir le monde, rencontrer des nouvelles personnes et découvrir des cultures riches en couleur me plait. Je ne me cache plus pour soigner mes blessures. J'aime ma nouvelle tranquillité, en Bretagne, près de la mer. Je possède une maison sur la falaise, loin de l'agitation de la ville et ça me convient parfaitement.
Ma liberté,pourtant je t'ai quittée une nuit de décembre,
J'ai déserté les chemins écartés que nous suivions ensemble.
Lorsque sans me méfier les pieds et poings liés je me suis laissé faire,
Et je t'ai trahie pour une prison d'amour et sa belle geôlière
Contrairement à lui, je n'ai pas quitté ma si chère tranquillité. Elle m'est trop chère pour que je retourne dans mon ancienne vie. Un jour, peut-être, aurais-je une nouvelle relation, quand je m'y sentirais prête. Ce n'est pas le cas. J'ai encore trop besoin de cette sensation qui m'étreint le cœur et que je chéris.
Vous avez jusqu'au vendredi 10 avril pour voter !
Dernière édition par A-Lice le Mar 19 Mai 2015 - 18:47, édité 1 fois