Being F. #1 ▬ Moi je viens d'un pays de désert infini...

"Le vent est libre, mais le sable va là où on l'envoie, inconscient du monde qui l'entoure. Le souffle des Dieux le fait tourbillonner, il est à la merci des tempêtes qui l'engloutissent...
Qu'est-ce qu'un grain de sable dans le désert... ? Un grain de sable... dans la tempête ?"

Ce jour-là, le ciel lui-même semblait vouloir être porteur d'un présage funeste. Le vent soufflait, menaçant les toits fragiles des maisons. Le sable... n'était plus notre allié, celui qu'on apprenait pourtant à dompter, et ce dès notre plus jeune âge. Il ne fallait pas lutter contre lui, ni même vouloir s'en préserver. Une fois qu'il vous avait touché et possédé, la tempête était déjà là, tout près de vous...
Le vent, pourtant puissant, n'était pas le plus inquiétant. Il était l'allié du sable, qui, tel un tapis de brume, se soulevait et s'abattait presque aussitôt. Le nuage brun dissimulait la clarté du soleil... assombrissant un ciel, mais aussi, semblait-il, un monde tout entier. La tempête passerait, comme à chaque fois... Il fallait patienter et prier, dans l'attente que les dieux se calment et décident de nous préserver de cette colère sans doute, malheureusement, méritée.
Je m'approchais de la fenêtre et contemplais ce tourbillon de fureur... Mes yeux noirs d'ébène se fermèrent un instant, dans une supplique que je savais vaine. Puis, je posais mes genoux à terre, les mains sur le sol de pierre brut et le visage baissé en un respect digne de l'enseignement qu'on m'avait inculqué. L'une de mes mains glissa sur l'autre, remontant ainsi jusqu'à mon avant-bras. Là, mes doigts se saisirent du bracelet l'entourant, comme pour m'assurer qu'il était toujours bien là. A ce contact, mon visage laissa apparaitre une expression de douleur... si brûlante et lancinante, que je m'entendais crier intérieurement. Pourtant, aucun son ne franchit mes lèvres...

Comme soudainement possédée par une force similaire à la tempête au dehors, je me redressais, mes yeux flamboyants d'une couleur bleutée, bien différente du noir dont j'avais été pourtant dotée. Ma respiration différente et accélérée par cet état second, je plaquais mes mains contre le mur en face de moi. Ma peau dorée se ternit, ma chevelure sombre également... et alors que les secondes s'écoulaient, et que l'air lui-même était oppressé par ce changement, mon corps s'évapora lentement. Retombant à genoux, je me saisis d'un coin de la table, comme en un dernier espoir que l'humaine en moi revienne à la raison. Le sable m'appelait, voulait que je laisse la place à... un être différent. Ainsi était ma malédiction...


~ ~


SEPT ANS PLUS TÔT

Concentrée sur mes mouvements, mes mains maintenaient leur prise sur les deux dagues que je maniais. Engourdie à force d'être ainsi crispée, j'ignorais la présence tenace des poignées des armes contre mes paumes et contra l'attaque que mon adversaire me porta. Nos lames restèrent ainsi l'une contre l'autre un moment, avant que je prenne l'initiative de faire glisser ma dague contre la sienne, éloignant l'arme ennemie un peu plus à chaque fois. Le métal sonna lorsque l'homme attaqua de nouveau et le cliquetis se fit alors plus vif et plus régulier, à chacune de mes réponses. Un coup fut plus fort que les autres et je fus désarmée, surprise un instant... Me reprenant, je bondis en avant, souple et légère, n'écoutant que mon impulsivité. C'était justement ce qu'il ne fallait pas faire... L'attaque était vive et bien trop prévisible, je le savais, mais ne pouvais m'en empêcher. Mon adversaire le vit, et avant que je puisse tenter quoique ce soit, il me saisit le poignet, me retira ma dernière dague des doigts... et me plaqua à terre.

- Idiot, râlais-je... avant de l'embrasser fiévreusement.

Mon adversaire n'en était bien sûr pas un... en revanche, c'était un idiot, oui. Fort séduisant. Mais idiot quand même.
J'éclatais d'un rire cristallin alors qu'Eliyas m'enlaçais de ses bras, m'entrainant avec lui en roulant sur le sable. Je parvins à me défaire de son étreinte et, me retrouvant sur lui, je me plaçais en position assise, un genou de chaque côté de sa taille. Il se redressa à son tour, dans l'espoir de m'embrasser, mais je profitais de sa faiblesse pour lui voler à mon tour sa dague, que je plaçais juste sur sa gorge.

- T'es mort, soufflais-je, un sourire venant étirer mes lèvres.
- Je le suis déjà, murmura-t-il, sur le même ton amusé. Tu m'as volé mon cœur, Kahina...

Cette fois, je ne luttais pas... Éloignant sa dague que j'avais retourné contre lui, je passais mes bras autour de son cou et nos lèvres s'unirent en un baiser que j'aurais aimé éternel... Mes mains glissèrent un instant sur la chemise fine recouvrant son buste, tandis que ses mains caressaient mes joues, dans une brûlure à la fois délicieuse et insupportable.
J'éloignais mes lèvres des siennes, à regret... et fermais les yeux pour retenir les larmes qui pourtant, débordaient en moi.

- Je... soufflais-je, hésitante sur les mots que j'allais employer. J'aurais tellement aimé que tout soit différent...

Mes yeux vinrent se plonger dans les siens. Son regard sombre glissa tendrement sur mon visage, tandis que l'une de ses mains vint parcourir ma chevelure, avant de venir frôler ma joue... en une caresse qui me coupa un instant la respiration et fit rater quelques battements à mon cœur. Lorsque j'étais ainsi, avec lui et qu'il me regardait... je me sentais moi-même, heureuse et croyante en un avenir pour nous deux. Mais il n'y en avait pas... Nous nous aimions, mais ne pourrions jamais être ensemble.

- C'est notre dernière journée... souffla-t-il.

Je savais que demain allait être pour lui un grand jour. Il n'était pas comme moi et était destiné à de bien plus grandes choses... Il allait épouser une noble de son rang, comme il se devait de le faire. Il allait devoir oublier ses sentiments à mon égard. Tout comme moi je le ferais pour lui...
Le destin avait voulu nous réunir, pour nous séparer dans de tragiques circonstances. Notre rencontre s'était faite presque par hasard, un an plus tôt...
J'étais au marché, sous un soleil de plomb, le sol brûlant comme chaque jours dans notre modeste petit village. Les marchands criaient derrière leurs présentoirs, vendant toujours mieux leurs produits et appâtant leurs clients avec de bonnes affaires. Tout semblait normal... Lorsque s'exclama à l'unisson une petite foule, non loin de moi. Un homme encapuchonné menaçait un autre, bien plus noble, tant dans son attitude que dans sa manière d'être vêtu. Alors que ce dernier cherchait à dégainer son épée, je me glissais derrière lui pour m'en emparer... et pointa la lame, pourtant lourde, face à l'homme dissimulé sous son foulard. Une frêle jeune femme venait de secourir un homme... réaction bien peu courante. Déplacée diraient certains. Aujourd'hui encore, je ne sais pas ce qui m'a pris... Peut-être que mon cœur, lui, connaissait déjà la teneur des sentiments qui n'allaient pas tarder à m'envahir...
Le voleur ayant fini par être arrêté par les gardes, nous avons pu discuter un peu, l'inconnu et moi. Impressionné par ma fougue, il me proposa de m'enseigner les rudiments du combat, car selon lui, j'avais encore bien des faiblesses...

Officiellement, et dans les débuts, je m'entrainais... Puis bien vite, nos sentiments changèrent, pour ce qu'ils étaient à présent. Mais nous ne pouvions pas nous abandonner à cet amour. Eliyas était fiancé... et moi, bien trop pauvre pour convenir à sa grandeur sociale.

- Et c'est aussi notre dernière nuit, ajouta-t-il, comme pour obliger mes pensées moroses à s'éloigner... et effacer de mon visage cette tristesse que je ressentais pourtant si souvent.

Je sus ce qu'il me signifiait alors...
Cette nuit, nous avons fait à la fois la plus belle chose, et la plus terrible qu'il soit osé de commettre dans de telles circonstances. Nos corps s'unissant à la seule lumière de la lune, il n'était alors plus question de mariages forcés ou de sentiments trop douloureux... Notre amour était là, bien présent... et resterait à jamais en nos cœurs.
Nos mains se liant entre elles, nous nous laissions emporter par notre passion, sans se poser davantage de questions. Si cette nuit était notre dernière, alors elle le serait... mais tant qu'elle ne serait pas finie, nous avions encore du temps.

Du moins, c'est ce que l'on croyait. Les évènements se déchainèrent d'un seul coup, telle la terrible tempête du désert. Les gardes débarquèrent à cheval et m'éloignèrent d'Eliyas, me maintenant, nue et sans défense... Leurs mains m'empoignant la chevelure, ils m'obligèrent à relever le visage, afin que j'assiste à la punition qui nous attendait.
Eliyas fut forcé de se mettre à genoux, face à moi... à la fois suffisamment loin pour qu'on ne puissent pas se toucher, mais assez près pour que je ne loupe rien de la scène. Ils l'enchainèrent... Un homme s'avança, et abattit alors sur lui le premier coup de fouet. Voulant hurler mon désarroi et ma peur, la main d'un des hommes m'en empêcha, se plaquant brutalement contre mes lèvres. La respiration haletante, je laissais alors couler des larmes brûlantes, souffrant mille morts... bien que je savais que ma douleur à moi n'était que mentale.
Nos regards ne se lâchèrent pas un seul instant... Eliyas encaissait une à une les morsures du fouet, sans une seule plainte... mais je voyais dans ses yeux sa souffrance, qu'il contenait pour moi.
Finalement, lorsqu'ils en eurent assez, l'un des hommes dégaina son épée... C'est à cet instant que je pu lire sur les lèvres d'Eliyas quelques mots... "je t'aime"... auxquels je répondis, de la même manière. Les sentiments de désespoir et de peur se mêlant en moi, je m'obligeais à le regarder... jusqu'au tout dernier moment. C'est avec un visage soulagé qu'Eliyas accepta son destin. Sa vie désormais arrachée, sous mes yeux, les hommes me relâchèrent alors, sans que j'en comprenne les raisons. Étais-je si peu importante pour eux qu'ils ne voulaient pas se donner la peine de m'achever ? Je n'en savais rien... mais j'aurais tout fait pour mourir moi aussi.
Détruite, je me laissais trainer jusqu'au corps mutilé d'Eliyas, pleurant toutes les larmes de mon âme déchirée. L'entrainant loin des regards, je couvris ma nudité d'un linge simple... aucunement résolue à l'enterrer. Je devais faire quelque chose...

Guidée seulement par ma souffrance, je me rendis chez la sorcière du village. Personne ne croyait en ses pouvoirs... Tout le monde la considérait comme une voyante de bas étage, qui se contentait d'escroquer les passants. Mais qu'avais-je à perdre de plus, de toute façon ?
Le regard terne de la vieille femme se fit brillant lorsque je lui annonçais ce que je recherchais.

- Je veux ramener un mort à la vie, soufflais-je.

Son petit rire éclata un instant, sec et malin. L'essence même de son âme était mauvaise... tout mon être pouvait le ressentir. Pourtant, lorsqu'elle me donna un bracelet de cuivre, orné d'une pierre verte, je le glissa sans la moindre hésitation à mon bras.

- L'esprit perdu sera ainsi retrouvé, affirma-t-elle, un sourire diabolique venant étirer ses lèvres flétries.

~ ~


Je n'ai pas cessé de fuir depuis ce jour maudit. Le bracelet m'a conféré des pouvoirs que je ne contrôle pas... et une malédiction, qui n'attend que ma faiblesse pour se manifester. L'esprit d'Eliyas n'a jamais pu être invoqué...
Le bracelet semble comme ancré dans ma peau, il m'est désormais impossible de le retirer. Y a-t-il seulement un moyen de l'enlever... ? Je n'y crois pas.

Luttant pour préserver mon humanité, que la magie noire tente toujours un peu plus de m'arracher, je fuis... mon passé autant que moi-même. Tel un grain de sable fuyant le vent du désert...

"La fougue de Kahina a été la première chose qui m'a fasciné chez elle. Lorsque j'ai commencé à lui parler, je me suis alors aperçu qu'il y avait bien plus que ça...
Tout dans ses attitudes et sa façon d'être ne semblent être motivées que par une bonté pure, naturelle et désintéressée. Pas de faux-semblants et de mensonges en elle, Kahina se bat pour ce qui lui semble juste, toujours... Volontaire et déterminée, cette jeune femme possède des qualités de cœur bien rares dans mon univers. Les femmes un tant soit peu riches sont très souvent hautaines, enorgueillies qu'elles sont de leur statut élevé. Tandis que ces dernières sont par trop préoccupées par le choix futur d'une robe, Kahina m'a fait voir qu'il pouvait y avoir bien plus que cet esprit matériel dans ce monde... Elle est du genre à pouvoir lutter contre les éléments pour aider son prochain, qu'il soit humain, animal... ou végétal. Il n'y a nulle malice chez elle, juste une profonde gentillesse qui la fait parfois s'oublier elle-même au profit des autres..."
Eliyas

Alors que je m'échappe, marchant toujours un peu plus dans les dunes de sable et ne m'arrêtant que très peu dans de petits villages, il m'arrive très souvent de LUI parler... Assise à même la terre, je lève mes yeux noirs d'encre vers le ciel tout aussi sombre, à peine constellé d'étoiles. Dans ces moments, je me sens moins seule. La plupart du temps, je lui raconte ce que j'ai vu, ce que j'ai ressenti durant mon périple... Mais à chaque fois, je ne peux m'empêcher de lui demander pardon. Des excuses pour la personne que je suis devenue... un être corrompu par une magie démoniaque, qu'il m'est impossible d'ignorer tant sa tentation est puissante.
Je pourrais presque l'entendre me dire, amusé :

- Tu te fais trop de soucis Kahina. Pense à ton bonheur... et un peu moins à celui des autres. Tu mérites au moins ça, aurait-il ajouté avec un clin d'œil malicieux.

Je sais pourtant qu'Eliyas n'aurait sans doute jamais aimé la femme que je suis à présent. Qui pourrait ressentir quoique ce soit pour un démon ? Tiraillée constamment entre le bien et le mal, je peine parfois à les différencier. Solitaire, je fais désormais tout pour m'éloigner des personnes, à qui, autrefois, j'apportais mon aide et mes conseils. En un sens, c'est mieux comme ça. Je les préserve de l'être que je suis... tout en me demandant parfois si ce n'est pas que par pur égoïsme.
J'ai peur... peur qu'un jour je sois définitivement engloutie par la tempête se déchaînant en moi, par ce maléfice dévorant mon cœur... Alors mes pas m'entraînent, toujours plus loin dans le désert, toujours plus loin sur cette terre que je foule, sur ce ciel que je contemple jour après jour...

Mon passé ? Comment ça "mon passé" ? En quoi serait-il intéressant de le connaitre ? Il serait nettement plus passionnant de raconter mon présent...

Je me nomme Imad, et je suis forgeron. Bel homme, bien bâti, ruisselant de sueur en frappant sur du métal brûlant, effectuant ses tâches avec conviction et passion malgré leur difficultés, je possède un sourire charmant et aucune fille ne peut résister à ce regard ténébreux, véritable atout. Gentil et généreux, c'est ma bonté qui les passionnera avant tout, la facette d'un homme dévoué et fiable, d'une solide épaule sur laquelle se poser. Je les écoute, je les comprends, ou du moins j'en ai l'air, puis je suis là pour les consoler, leur faire tout oublier, avant qu'elles ne m'oublient elle-aussi l'instant suivant. J'inspire la confiance, la modestie, la simplicité, et le tout au premier regard. L'imagination fait le reste et elles aiment toutes dessiner dans leur esprit un lieu sombre à l'air brûlant et aux filets de vapeur s'élevant autour de moi, visualisant une musculature saillante soulevant une masse d'acier pour l'abattre sur du fer rouge, ignorant vaillamment les perles de sueur coulant sur mon visage, frappant avec un savant mélange de maîtrise et de brutalité.
En réalité, je ne forge pas, je laisse leur esprit l'imaginer. Non mais sérieusement, vous m'imaginez dans cette fournaise à taper sur du métal en fusion ? Il faudrait être fou... Je n'ai jamais rien forgé de ma vie, et si je devais le faire, je n'aurais probablement même pas besoin de me servir de mes mains.

Les reflets dorés de mes cheveux, tant inhabituels par ici, fascinent presque autant que ma prestance naturelle et mon charisme sans limite. Je me nomme Nassim, mais je me présente avec mon titre "Prince Nassim", c'est toujours mieux, et le regard de votre interlocuteur se rempli souvent d'estime et de respect après cette annonce. Aaaah l'attrait de l'inaccessible. Il se cache en chacun de nous, en chacun de vous. Lorsque cet inaccessible vous tend la main, comment résister à l'envie de la prendre et de le suivre ?
Racontant venir d'un lointain royaume de l'est dont la couleur de mes cheveux appuient l'origine, je m'invente une vie de château lassante, un coeur grand que je ne pourrais jamais abriter, et l'envie terrible d'évasion et d'aventure qui me rendent alors terriblement passionnant. Je suis un prince, alors je parle de moi. Cependant, mes histoires ont tellement de vie, de passion et de soif de liberté que vous m'écouterez sans peine toute la nuit. Ayant tout l'argent que je veux, d'un simple claquement de doigt, je vous en ferez bien sûr profiter, charmante demoiselle. La suite dépendra de vous, aussi loin que vous me suivrez nous irons, et je ne doute pas un instant que vous le ferez.
Quel dommage après tout cela que cette aventure s'efface de votre esprit comme par... magie.

Hey, moi c'est Zayn, juste Zayn, le simple, le débrouillard, le voleur... oui mais je n'ai pas le choix. Il faut que je mange, que je vive. Je suis un écorché vif, un rêveur, un baroudeur. Agile, je t'impressionnerais par mes talents, mes flirts avec le risque, mes provocations aux gardes. Sans jamais être méchant, je serais le bad boy intrépide dont tu rêves pour pimenter ta vie de princesse, trop monotone. La peur et l’excitation sont des sentiments proches dans leur manière de serrer le coeur et d'enflammer les entrailles, leur lien est mon atout. Sauras-tu si, suspendue dans mes bras sur les toits de nos maisons de sable, tu es apeurée par le vide ou bien simplement séduite de te trouver si près de moi ? Tu crains qu'on ne m'arrête, que je termine en prison, exécuté au soleil levant... Je te laisse trembler, et je fais mine de ne pas y penser tout en m'en préoccupant, savant mélange à doser avec précaution. En réalité, je n'ai pas besoin de m'en soucier, les murs pourraient retenir un homme, mais je n'en suis pas un.


Oui, ces hommes existent, quelque part. Je les ai croisé, et jalousé car ils ont tout ce que je n'ai pas. Un physique, une présence, une rage au ventre, quelque chose qui passionne, qui pousse les gens à les aimer. Heureusement, j'ai moi aussi quelque chose qu'ils n'ont pas : la magie. Il n'a pas été si simple d'apprendre à posséder l'apparence d'un autre, mais désormais je suis rodé et c'est mon tour le plus fabuleux. Selon la situation, selon la femme qu je croise, je choisi mon personnage avec soin, la manière de l'aborder, les mots à employer et ceux à éviter. J'ai la chance d'être un beau parleur, l'apparence et l'histoire du personnage font le reste.
Pour éviter tout malentendu, j'ai également peaufiner un sortilège d'amnésie, changeant les souvenirs réels en de très vagues impressions de déjà vu, comme celui qui nous pousse chaque matin à savoir qu'on a rêvé, sans parvenir à mettre des images sur ces songes.
Qui je suis vraiment ? Un génie ! Tant par les pouvoirs que par l'intelligence, d'après moi. Je n'ai pas été gâté par la nature, et bien soit ! Je compense avec mes propres armes, et elles sont redoutables. Je vis de rencontres, d'échanges, d'amour...

En réalité, je suis seul...

Voulez-vous vraiment que j'énumère mes défauts ? Listez donc ceux qui vous inspirent le plus de dégoût, et je suis persuadé que la majorité sont en moi. J'utilise les gens comme des poupées, de petites marionnettes dont je tire habilement les fils avec des mots pour les amener où je souhaite. Leur sensibilité ? Leur histoire ? Leur sentiments ? Pourquoi je m'en soucierais ? Est-ce que les autres se soucient de moi ? Non. Jamais. Et quelle misère pour un être quasi éternel que d'être éternellement rejeté. En réalité, je suis un amas d'amertume et de frustrations. J'ai un vide immense au fond de ce qui semble être mon coeur, que j'essaie de remplir avec une envie et une application presque maniaque, frénétique, mais rien n'y fait. Ce vide est toujours là, béant et glacé. Alors je me cache derrière d'autres visages, des boucles blondes, un corps musclé au teint halé, un regard et un sourire de fripon terriblement attachants. Ils font désormais partie de moi, ils SONT moi, au point que je n'existe plus sans eux. Ils m'ont sauvé du froid... mais pour me plonger dans une dépendance et une folie dont je ne peux encore pas soupçonner les effets.
Vous pensez que je pourrais faire sans eux ? Qu'un homme bon peut être apprécié quel que soit son physique ? Je vous affirme que non. Mon visage contient l'expression de trop de vices. Mon regard sous-entend le coup fourré sans même que je le veuille. J'inspire aux autres un pas de recul, et non que l'on me saute dans les bras.

Spoiler:

PS : pas de conviction politique dans ce personnage, simplement un peu d'humour